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Un œil sur demain : l’hydrogène vert au cœur de tous les enjeux

La première station d’hydrogène vert au monde, en Vendée
La première station d’hydrogène vert au monde, en Vendée © Jean-Christophe Willems

Décarboner ! Si le verbe est rentré dans le dictionnaire, c’est parce qu’on entend que lui depuis quelques temps. La décarbonation est l’enjeu majeur des prochaines années afin de diminuer autant que possible le réchauffement climatique. Pour le commun des mortels, cela se traduit par un passage (souvent forcé) vers une mobilité électrique. Pourtant, cela fait des années que les constructeurs automobiles travaillent sur des énergies alternatives, comme l’hydrogène par exemple. De l’hydrogène que l’on utilise déjà beaucoup dans l’industrie, principalement les raffineries, les usines d’ammoniac (engrais) et la sidérurgie. Seul problème, mais de taille, 96% de tout l’hydrogène produit se fait à partir de gaz et rejette énormément de CO2. 10 kg de CO2 rejeté pour 1 kg d’hydrogène produit. C’est ce que l’on appelle "l’hydrogène gris". Alors, comme les enjeux climatiques pressent un peu, le monde entier a décidé d’investir massivement dans la production d’hydrogène vert, celui qui est propre… mais cher !

De l’eau, des éoliennes et le tour est joué

Si on ne veut pas utiliser de gaz pour fabriquer de l’hydrogène, il faut alors de l’électricité. Beaucoup d’électricité. Car cette autre énergie est nécessaire au processus d’électrolyse. En faisant passer du courant entre anode et cathode plongées dans l’eau, une réaction se produit séparant l’hydrogène de l’oxygène, les deux composants de l’eau (H2O). L’oxygène est rejeté dans l’atmosphère et l’hydrogène récupéré sous forme gazeux dans de grosses cuves avant d’être comprimé à 350 bars pour être stocké dans des bouteilles. Celles-ci peuvent être ensuite transportées. Le principe est simple mais coûteux. On estime que 70 à 80% du coût de l’hydrogène provient de l’électricité nécessaire à sa fabrication. Et ce n’est pas le seul frein à son développement : la chaîne complète de la fabrication à l'utilisation est énergivore. Ainsi, pour faire avancer une voiture électrique, il suffit de recharger les batteries directement sur le réseau électrique alors que pour faire avancer une voiture à hydrogène, il faut retransformer l’hydrogène stocké dans le réservoir en électricité, via une pile à combustible (qui est l’inverse de l’électrolyseur). On se sert d'électricité pour fabriquer de l'hydrogène que l'on retransforme en électricité : cela fait donc quelques étapes qui provoquent inévitablement des pertes.

Mais tout n'est heureusement pas sombre et les avantages de l'hydrogène restent nombreux. Le plus évident est évidemment la possibilité de stocker cette énergie et de la transporter, dans des stations-service par exemple, où on pourra faire le plein en quelques minutes à peine.

A deux pas de la mer et d’un parc éolien, Lhyfe est la première société européenne à produire de l’hydrogène vert
A deux pas de la mer et d’un parc éolien, Lhyfe est la première société européenne à produire de l’hydrogène vert © Jean-Christophe Willems

Lhyfe, première usine d’Europe fabriquant de l’hydrogène vert

Si les enjeux sont importants, le secteur n’en est qu’à ses balbutiements. Mais depuis l’an dernier, des dizaines de projets voient le jour un peu partout en Europe, puisque cette énergie se veut locale. A l’heure actuelle, la première et seule entreprise dédiée uniquement à la production quotidienne de l’hydrogène vert sur le vieux continent se trouve à Bouin, en Vendée. Lhyfe, c'est son nom, profite de sa situation en bord de mer pour fabriquer 300 kg d’hydrogène par jour avant de tripler la production en été. "On utilise l’eau de mer que nous avons en abondance, on la purifie avant de l’envoyer dans l’électrolyseur. Celui-ci est alimenté directement par les éoliennes se trouvant juste à côté", explique Antoine Hamon, le Directeur des opérations. "On rejette l’oxygène et on récupère l’hydrogène. On le compresse à 350 bars, pour le stocker dans nos conteneurs que l’on envoie à nos clients." Des clients locaux, comme le Sydev, le Syndicat Départemental d’Energie et d’équipement de la Vendée, qui propose à La Roche-sur-Yon une station-service d’un genre nouveau. Les automobilistes peuvent y faire le plein de gaz naturel bio, d’électricité verte et d’hydrogène vert. Un bus de l’agglomération fonctionne d’ailleurs avec cette énergie locale. Bon, il coûte trois fois le prix d’un équivalent diesel, mais pour les pouvoirs publics, la rentabilité n’est pas la priorité actuellement. Il faut avant tout montrer que l’expérience est probante et duplicable ailleurs. Cela semble fonctionner puisque la société Lhyfe a une soixantaine de projets sur le feu, partout dans le monde !

Et si vous trouvez que Bouin est un peu trop éloigné pour aller faire le plein d'H2 vert, sachez qu'en plus de ses activités traditionnelles, le groupe Colruyt produit aussi de l'hydrogène vert grâce à ses éoliennes installées à Hal et le commercialise sur place, dans sa station Dats 24.

Seraing leader mondial

L’élément essentiel pour fabriquer ce gaz, on l’a vu, c’est l’électrolyseur. Cet appareil cylindrique de plusieurs tonnes existe en différents niveaux de puissance et est à présent commercialisé industriellement par de nombreux spécialistes. Pourtant, un nom sort du lot, celui du groupe John Cockerill. Basé à Seraing, l'entreprise est devenue premier fabricant mondial d’électrolyseur, avec un tiers du marché. De nouvelles usines de productions sont en cours de construction en Europe alors que le groupe a noué de nombreux partenariats pour développer les projets liés à l’hydrogène vert en Belgique (Zeebruges, aéroport de Bierset, barge fluviale…). Il faut en tout cas accélérer le processus car les ambitions européennes sont grandes. L’Union prévoit en 2030 une production énergétique équivalente à une quinzaine de centrales nucléaires. Rien que pour l’aspect mobilité, les perspectives sont de 3.700 stations-service, deux millions de véhicules légers et 500.000 poids lourds à cette échéance.

Deuxième génération de Toyota Mirai. Pour 65 000 euros de base, elle promet plus de 650 km d’autonomie et un plein en quelques minutes
Deuxième génération de Toyota Mirai. Pour 65 000 euros de base, elle promet plus de 650 km d’autonomie et un plein en quelques minutes © Jean-Christophe Willems

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