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Un point de basculement contre la domination patriarcale en Iran ?

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Par Claudia de Castro Caldeirinha*, une chronique pour Les Grenades

Des mois se sont écoulés depuis que la nouvelle de la mort de Mahsa Amini a provoqué une onde de choc en Iran et dans le monde. Le 13 septembre, la jeune femme de 22 ans a été arrêtée par des officiers iraniens portant le nom de "police des mœurs" – un concept qui ferait sursauter George Orwell – pour ne pas avoir respecté les lois du pays en matière d’habillement.

En Iran, le port du hijab est obligatoire depuis la révolution de 1979 ; toutefois, la réglementation et la restriction de la liberté d’expression des femmes par le biais de l’habillement se sont récemment intensifiées.

Les étincelles de la révolution se répandent…

Depuis les événements tragiques de septembre, un nombre extraordinaire de manifestations a vu le jour en Iran : de manifestants iraniens anonymes, des personnalités publiques iraniennes, des jeunes femmes descendues dans la rue pour scander "Femmes, vie, liberté", se couper les cheveux ou mettre le feu à leur voile. Les étudiantes des écoles iraniennes se sont jointes aux protestations en se rassemblant et en téléchargeant sur les médias sociaux des photos et des vidéos illustrant ces actes de résistance.

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Bien que les médias aient été un facteur clé dans la généralisation des soulèvements, des reporters indépendants ont été arrêtés, l’accès à diverses plateformes de médias sociaux bloqué, et les fausses nouvelles et les comptes robots ont pris tout l’espace restant. Dès lors, obtenir des informations de sources fiables a été chose difficile.

L’affirmation selon laquelle 15.000 personnes arrêtées risquaient la peine de mort a suscité de vives réactions, mais s’est révélée inexacte. Il a cependant été vérifié par les Nations unies et l’agence de presse Human Rights Activists News Agency (HRANA) que près de 500 personnes ont été tuées par les représailles meurtrières des forces de sécurité iraniennes.

Les Iranien·nes font preuve d’un courage extrême en restant uni·es dans leurs protestations, au péril de leur vie

Les chiffres augmentent tous les jours – récemment Amnesty International a révélé qu’au moins 21 personnes sont sous la menace d’une condamnation à mort dans le cadre de "simulacres de procès destinés à intimider les participants au soulèvement populaire qui secoue l’Iran".

Le monde et l’Europe réagissent

Face à la brutale oppression des femmes iraniennes, des manifestations ont été organisées partout dans le monde, en solidarité. Bruxelles, le cœur de l’Europe, a rapidement suivi, des manifestations publiques ayant lieu devant le Parlement européen.

Les dirigeant·es du monde se sont également manifestés pour soutenir le peuple iranien tout en dénonçant les actions de leur gouvernement et de leur police. En Europe, les ministres des affaires étrangères, comme Annalena Baerbock (Allemagne) et Ann Linde (Suède), ont condamné la situation et demandé le respect des droits humains. Dans l’Union européenne, 126 mesures restrictives ont été imposées aux individus iraniens et 11 entités au total sont soumises à des sanctions en matière de droits humains.

Ce mouvement a soulevé l’espoir d’un changement possible

Aux États-Unis, plusieurs voix se sont élevées en soutien, dont celle du président Biden, faisant des États-Unis le premier pays à punir l’Iran en imposant des sanctions à leur "police des mœurs", et le premier à voter l’exclusion de l’Iran de la Commission des Nations unies sur le statut des femmes – une décision sans précédent historique.

Le point de basculement ?

Bien que certains nient que les manifestations aboutiront à un changement permanent de la "machine répressive bien huilée" qui est le régime en Iran, la colère des Iraniennes tyrannisées par le régime médiéval des mullahs ne fait que grandir. Leur colère est une étincelle puissante qui se répand pour donner voix aux Iranien·nes mécontent·es de ce régime. Ce mouvement a soulevé l’espoir d’un changement possible.

Début décembre, il a été rapporté que la police des mœurs avait été abolie. Beaucoup se demandent cependant si cette nouvelle aurait pu être faussement créée par la volonté politique iranienne pour des raisons médiatiques et pour diminuer la pression internationale exercée sur l’Iran.

Au vu de l’ampleur des manifestations, on peut souhaiter que la brutalité imposée par le régime, profondément ancrée dans un patriarcat archaïque et violent (comme dans de nombreux autres endroits du monde), est peut-être en train d’atteindre un point de basculement.

Née de l’oppression des femmes, Cette mobilisation sans précédent a atteint des niveaux sociétaux très élevés en Iran, et le peuple iranien semble être plus que jamais déterminé à libérer son pays.

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Les Iranien·nes font preuve d’un courage extrême en restant uni·es dans leurs protestations, au péril de leur vie. Consacrer des prix comme celui de femmes de l’année par Time Magazine fait partie des gestes importants, mais est loin d’être suffisant. Il faudrait que les États, les médias et les institutions du monde démocratique se serrent les coudes pour continuer à condamner l’autoritarisme, à écouter et amplifier les voix de cet incroyable mouvement de jeunes femmes – sans leader ni titre – qui lutte pour les droits humains.

Chaque une/un de nous, femmes et hommes, peut contribuer à ce que leur lutte pour la liberté reste un point central de l’agenda international.

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*Claudia de Castro Caldeirinha est conseillère en leadership, diversité et inclusion, et égalité des genres. Elle est aussi auteure, conférencière TEDx, formatrice, facilitatrice et coach exécutive. Elle est membre fondatrice du programme européen Master-Mind pour les femmes leaders.

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Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.

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