Une séparation… Et voilà qu’on se retrouve à devoir déménager, les enfants sous le bras, les factures sous les yeux. A quel point cette image traduit-elle la réalité ? Comment la question du logement se pose-t-elle aux parents solos ?
La Ligue des familles donne un coup de projecteur à la question via une enquête en ligne (*) réalisée auprès de 1765 personnes, dont 1150 en Fédération Wallonie-Bruxelles, principalement des mamans solos, pour 82% des répondants.
A noter que cette proportion est similaire aux statistiques wallonnes et bruxelloises : le parent solo dont il sera question ici est donc la plupart du temps une maman. Avec cette précision : les statistiques ne prennent pas toutes les réalités en compte, l’enfant ne pouvant être domicilié que chez un seul de ses parents, même en cas d’hébergement partagé.
On devient solo après une séparation
Premier constat, dans 7 cas sur 10, c’est une séparation qui change la donne. Pour le reste de l’échantillon, l’ex-compagnon n’a pas reconnu l’enfant (6%) ou vit à l’étranger (2%) et 5% sont veufs.
Qui dit séparation ne dit pas automatiquement nouveau logement ou du moins pas tout de suite : la moitié des répondants ont vécu plusieurs semaines avec leur ex avant de déménager. Une situation plus fréquente chez ceux et celles qui ont des revenus plus élevés. "24% des pères ont d’abord changé de logement sans les enfants contre seulement 5% des mères", précise La Ligue.
Avant de se stabiliser, nombre de parents solos ont logé temporairement chez des proches, pour un tiers d’entre eux. Une minorité est passée par une colocation (5%) ou un AirBnB/chambre d’hôtel (4%). 8% ont dû recourir à un logement temporaire fourni par les pouvoirs publics ou une association. 2% se sont retrouvés sans abris (véhicule/ hall d’entrée/abri de fortune/en rue) ou dans un squat (3%).
"On remarque que le genre du parent influence la solution d’hébergement temporaire : les femmes ont plus recours aux proches (35%) que les hommes (25%). […] Les hommes sont plus nombreux à avoir recouru à la colocation (13%), à une chambre d’hôtel/un AirBnB (9%) ou encore un squat (9%)", note le rapport de La Ligue.
Pour trouver un premier logement stable, il a fallu compter entre 1 et 6 mois pour 50% des répondants. Un quart a mis plus de 6 mois. Ceux qui étaient propriétaires sont 30% à être devenus locataires.
Un nouveau toit, à quel prix ?
Les difficultés financières sont au rendez-vous pour une proportion importante de parents solos. Un indice parlant : 45% des locataires ont rencontré des difficultés à constituer leur garantie locative. C’est vrai en particulier pour les mamans (49%, contre 27% des papas).
De manière générale, les chiffres de La Ligue des familles montrent un besoin d’accompagnement et d’aides financières au moment de la séparation, surtout pour les femmes, les locataires et les Bruxellois.
Je vis seule avec 3 enfants, je dirais par chance elles ont une chambre pour 3, et moi je dors dans le divan. Cela fait depuis 2014 que je suis sur une liste d’attente pour un logement social. Pas de place pour les vêtements mais je me dis que finalement nous avons un toit… (témoignage recueilli par La Ligue des familles)
Durant la recherche de nouveau logement familial, les parents sont ainsi 49% à estimer qu’une aide financière pour le déménagement, la garantie locative, le préavis ou l’achat de meubles leur a manqué (55% des femmes contre 25% des hommes). Par ailleurs, une aide financière pour payer le loyer, le prêt hypothécaire ou les charges a manqué à 39% des répondants (43% des femmes contre 21% des hommes). Les parents bruxellois sont 45% à signaler ce manque d’aide financière, les Wallons 38%.
Pour certains parents solos, la galère se poursuit une fois que leur situation est stabilisée : on peut par exemple souligner que 18% des parents solos consacrent plus de la moitié de leur revenu à leur loyer ou à leur crédit hypothécaire. A Bruxelles, ils sont même plus d’un quart dans ce cas. Un répondant sur deux signale avoir eu des difficultés à payer son logement durant l’année écoulée.
Après avoir payé les factures (loyer, eau…) la fin du mois se retrouve vite au 10 du mois. Quand mon fils n’est pas là je ne mange quasi rien. Soins reportés. Souvent des logements précaires… et je dois déménager souvent… C’est épuisant… (témoignage recueilli par La Ligue des familles)
Autre indice parlant : un quart des répondants a dû renoncer à une ou plusieurs chambres pour trouver un logement à la portée de leurs revenus. Résultat : 17% des parents solos dorment dans la même pièce qu’un ou plusieurs enfants, par manque de place. C’est encore plus vrai pour les Bruxellois qui sont 22% dans ce cas, les familles nombreuses (23%) et celles avec un membre en situation de handicap (24%).
A noter que l’échantillon de la Ligue des familles n’est pas totalement représentatif : les familles gagnant moins de 1300 euros sont sous-représentées, peut-on lire dans le rapport. Ce qui signifie que les difficultés financières pourraient être plus importantes encore que celles signalées dans le cadre de cette enquête. Les statistiques officielles montrent qu’en Wallonie, 39% des familles monoparentales ont un revenu net équivalent inférieur au seuil de pauvreté et à Bruxelles, 33% (chiffres de 2019, cités par la Ligue).
Les discriminations dans l’accès au logement restent une réalité : 4 parents solos sur 10 estiment y avoir été confrontés et parmi eux, 27% lient cette discrimination justement à leur situation de famille monoparentale.