Les hôpitaux manquent de lits et d’oxygène
Comme si ce n’était pas assez, la Tunisie est frappée de plein fouet par une vague de coronavirus au début de l’été. Le pays, à ce moment-là, se trouve encore démuni de vaccins alors que l’Europe, juste de l’autre côté de la Méditerranée, a pu faire vacciner massivement.
Une série de dons s’ensuivent : les pays européens, dont la Belgique, mais aussi les pays du Golfe, envoient des aides qui sauvent le pays d’une véritable "catastrophe" sanitaire, pour utiliser les mots des professionnels de la santé tunisiens.
"Les hôpitaux sont totalement dépassés, n’ont pas assez de lits. Les patients sont traités parfois à même le sol dans les hôpitaux publics, qui manquent aussi d’oxygène", se souvient Maurine Mercier. Elle évoque une image qui a fait le tour du monde sur les réseaux sociaux, celle de ce médecin tunisien qui s’effondre en larmes parce qu’il n’a plus d’oxygène à fournir à ses patients.
En juillet, le peuple n’en peut plus, il proteste. Il a deux revendications principales : le manque d’anticipation par rapport à la vague de Covid-19 et un changement de cap en termes de pouvoir et de politique. Résultat, le 25 juillet, le président Kaïs Saïed renverse la table.
En juillet, le coup d’Etat
"Kaïs Saïed apparaît à la télévision entouré de hauts gradés de l’armée et il annonce qu’il gèle le Parlement, limoge le gouvernement et active l’article 80 de la Constitution. En clair, il stoppe net la transition démocratique. La Tunisie est à la fois le berceau, mais aussi le seul rescapé des révolutions du printemps arabe. Le président décrète l’état d’exception", éclaire notre correspondante.
Dans un premier temps, reconnaît-elle, le peuple l’acclame : les Tunisiens n’en peuvent plus d’une classe politique qui néglige le peuple, qui est incompétente ou corrompue. "Les Tunisiens et Tunisiennes veulent aussi, à ce moment-là, se débarrasser une bonne fois pour toutes des islamistes du parti Ennahda, première force à l’Assemblée. Ennahda, qui, à leurs yeux souvent, n’a cessé de décevoir en ne faisant rien ou pas assez pour le pays depuis 2011, depuis la chute du dictateur Ben Ali", explique Maurine Mercier.
Un homme fort qui reprend les rênes du pays, ça fait du bien, ça donne l’impression que les choses peuvent enfin bouger. D’autant plus que Kaïs Saïed jouit d’une excellente réputation d’homme intègre, droit et fiable.
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A ce stade le peuple ne le sait pas encore : on va pourtant rapidement passer de l’euphorie à l’inquiétude. Au début, Kaïs Saïed promet que cette situation n'est que transitoire. Il affirme prendre les rênes du pays pendant un mois, le temps de calmer l’incendie.
"Là, la société civile commence à s’inquiéter très sérieusement et les constitutionnalistes expliquent par A + B combien l’état d’exception est dangereux et à l’opposé de ce que l’on peut attendre d’un pays démocratique", poursuit Maurine Mercier.
Des élections prévues en 2022
En décembre, Kaïs Saïed annonce des élections législatives anticipées un an plus tard, le 17 décembre 2022. Son intention de changer le régime politique est claire, mais personne ne comprend de quelle manière il va s’y prendre.
"Dans les faits, jusqu’à décembre 2022, l’état d’exception se prolonge, donc le pouvoir sera désormais uniquement celui de Kaïs Saïed. Alors oui, il a nommé une cheffe de gouvernement, en octobre, l’universitaire Najla Bouden, mais, dans les faits, c’est le président qui préside les séances ministérielles. Le flou règne. C’est un flou très inquiétant, résument les Tunisiens. Est-ce que Kaïs Saïed sera l’homme providentiel ? Luttera-t-il contre la corruption, véritable fléau dans le pays, tel qu’il l’a promis ? Ou fera-t-il basculer la Tunisie à nouveau dans l’autoritarisme ? Il est encore trop tôt pour le dire. Ça passe ou ça casse, me résumait un jeune Tunisien tout à l’heure", conclut Maurine Mercier.
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Alors que l’année a été très chaotique, aucune perspective d’amélioration n’est en vue : vendredi 31 décembre, 2021 se concluait avec l’arrestation du vice-président du parti Ennahdha, Noureddine Bhiri. Interpellé par des policiers en civil devant son domicile, il est ensuite arrêté et détenu dans un endroit tenu secret. Les raisons de cette détention restent inconnues. L’Instance nationale de prévention de la torture (INPT), une autorité indépendante, a déploré s’être heurtée à un silence complet des autorités.
Ce dimanche, Noureddine Bhiri, 48 heures après son arrestation, a été hospitalisé dans un état grave selon des militants de son parti. Selon plusieurs médias et des sources proches du dossier à l’AFP, M. Bhiri souffre de plusieurs maladies chroniques et avait cessé de s’alimenter et de prendre ses médicaments depuis son arrestation.