Une "bébé box" à la sortie de la maternité en France : "Ce n’est pas de la crème hydratante qui va soigner le post-partum." Et chez nous ?

Du début de la grossesse jusqu’aux deux ans et demi de l’enfant, les mesures de soutien aux 1000 premiers jours de l’enfant prennent diverses formes.

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Par Marie-Laure Mathot

Une gigoteuse pour la sécurité de l’enfant, un album pour son éveil artistique et culturel, un savon naturel et un produit hydratant pour la maman : voilà le contenu de la boîte que vont recevoir les parents français à la sortie de la maternité à partir de février 2022. Une initiative du secrétaire d’État à l’Enfance pour "véhiculer et symboliser un message qui a vocation à aider les parents. Il servira de support au dialogue avec les familles à la maternité".

Les 180.000 premières boîtes (qui sont en réalité des sacs en bandoulière selon Le Monde) sont d’abord distribuées dans les quartiers prioritaires et les zones de revitalisation rurale d’ici août 2022 et 250.000 autres d’ici la fin 2022. Après une évaluation, tous les parents de France devraient ensuite en recevoir.

L’initiative s’inscrit dans le "parcours 1000 jours", une initiative du gouvernement pour venir en aide aux jeunes parents et réduire les inégalités.

"Remballez la crème hydratante"

Mais plutôt que d’y voir une mesure pour aider parents, les lanceuses d’alerte sur le manque de soutien pendant le post-partum ont l’impression que le gouvernement français leur rit au nez. En commençant par Illana Weizman, sociologue et autrice de "Ceci est notre post-partum". Elle milite depuis son accouchement et sa dépression post-partum pour accompagner au mieux la période après l’accouchement. C’est elle qui est à l’origine du #monpostpartum qui a libéré la parole autour de cette période difficile sur les réseaux sociaux.

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"Remballez la crème hydratante.", réagit-elle sur Instagram. "Inciter les mères à sortir de chez elles, prendre soin d’elles et ne pas s’oublier ne sera pas solutionné par votre trousse de beauté post-partum. Ces annonces sont du niveau pensée magique/développement personnel/coach motivation bas de gamme."

La militante ne mâche pas ses mots et propose des solutions concrètes. "Plus efficace qu’une crème hydratante, il y a débloquer l’argent pour des politiques d’accompagnement sur le long terme par des professionnels de santé formés aux problématiques du post-partum."

Deuxième solution proposée : "Mettre en place un congé co-parent obligatoire de même durée que le congé de maternité. Là, voyez-vous, on aurait l’occasion de 'ne pas s’oublier', d’avoir 'du temps pour nous'."

Et chez nous ?

En Belgique, nous avons soumis l’idée à Aline Schoentjes, sage-femme chez Amala ainsi qu’à Florence Guiot, présidente de la plateforme pour une naissance respectée. Toutes les deux ont également souri ironiquement à l’écoute du contenu de la box.

"C’est un premier pas car cela permet de toucher un tas de gens mais ça ne remplacera jamais un accompagnement d’une personne à une personne, réagit à chaud Aline Schoentjes. J’avoue que l’idée m’énerve un brin car cela ne remet pas en question les conditions sociales, économiques et d’éducation dans lesquelles naissent les enfants."

Et d’ajouter que ce genre de boîte est également distribuée chez nous. Il ne s’agit cependant pas d’une initiative gouvernementale mais d’une entreprise privée. "On reçoit une boîte avec des échantillons de produits. C’est plutôt une démarche marketing qui incite à la consommation autour du bébé." On retrouve dans cette boîte des bons de réduction, des échantillons ainsi qu’une tutute, un biberon, une bouteille d’eau, des lingettes jetables ou encore une grenouillère.

Mais existe-t-il chez nous "des politiques d’accompagnement sur le long terme"? Si le congé de naissance a été allongé à 15 jours depuis cette année et passera à 20 jours en 2023, il est encore loin d’être à égalité avec la maman.

Kraamzorg, l’exemple flamand

Quant à l’accompagnement des parents dans les tâches quotidiennes, Florence Guiot de la plateforme pour une naissance respectée cite directement l’exemple néerlandais mais aussi, très proche de nous, l’exemple… flamand de soins à la maternité, "kraamzorg".

"C’est un vrai soutien à la parentalité. C’est le mélange entre sage-femme, puéricultrice et aide-ménagère. Elles vont venir au domicile des parents pour être un relais dans la logistique, dans le soin au bébé pendant que maman va faire une sieste. Cette personne peut éventuellement gérer la fratrie, aller la chercher à l’école par exemple."

Plusieurs organisations s’occupent de proposer aux parents de l’aide dans la prise en charge du bébé (bain, habillage, changement de couches) dans l’allaitement (biberon ou non), les soins du nombril etc. Le personnel de soin peut même vous aider dans les soins personnels des mamans. Les aide-ménagères peuvent prendre en charge une série de tâches de la maison.

Presque offert par la sécurité sociale

"C’est vraiment un soutien de première ligne qui n’est pas imposé et qui est modulable en fonction des besoins. Car j’en entends des mamans qui n’ont pas le temps de prendre une douche dans les premières semaines, une fois que le ou la partenaire reprend le travail. Entre le soin à l’enfant, l’allaitement, les tâches à la maison, elles n’ont tout simplement pas le temps", explique Florence Guiot.

"C’est aussi un soutien psychologique dans une période où on peut avoir des doutes et où on se sent jugées sur nos choix. Ce n’est pas une gigoteuse ou une crème hydratante qui font ce job." Et dernier point et pas des moindres, "c’est presque offert par la sécurité sociale", explique Florence Guiot. Les prix sont en effet calculés sur base des revenus nets imposables du "ménage" et certaines mutuelles interviennent également dans ces frais.

C’est frustrant que ce ne soit pas généralisé en Belgique francophone

Pour Florence Guiot, "c’est frustrant que ce ne soit pas généralisé en Belgique francophone". Mais ce n’est pas pour autant qu’il n’y a aucun suivi. "Il est surtout médical, assuré par un gynécologue", explique Aline Schoentje. "Les médecins sont spécialisés dans les pathologies et sont formidables et indispensables dans ce qu’ils font. Mais ils ont un quart d’heure à l’hôpital, une demi-heure en privé pour voir les (futurs) parents." Et surtout, cela n’a rien à voir avec l’aide dans le travail quotidien du post-partum.

La sage-femme rappelle à quel point cette aide est importante. "Un soutien dans les 1000 premiers jours, depuis le début de la grossesse jusqu’aux deux premières années de l’enfant permet aux parents d’être plus solides, réduit les risques de séparation, réduit le risque de précarité pour les familles monoparentales, réduit les problèmes de santé chez l’enfant et le parent."

Elle signale également d’autres initiatives côté francophone : des aides ménagères pour les mamans qui sont indépendantes par exemple. Pour rappel, ces mamans ont un congé de maternité plus court et dont une partie n’est pas obligatoire. Certaines mutuelles remboursent également des aide-ménagères pour les mamans qui ne sont pas indépendantes mais cela n’est pas obligatoire et dépend de la mutuelle. Mais encore rien de comparable avec le "kraamzorg" flamand.

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