Pollution

Une capsule de café compostable est-elle eco-friendly ? "En termes de bilan carbone, le café pèse 3x plus que l’emballage"

Les capsules compostables, vrai progrès ou greenwashing ?

© Getty Images

La course à la capsule compostable est lancée depuis quelques années dans le monde du café. Mais ces derniers temps, le marché s'accélère. Après Migros ou encore Nescafé, c’est au tour de Nespresso de dévoiler son nouveau modèle de dosettes biodégradables. Alors, vrai progrès ou greenwashing ?

Des dosettes à base de papier, compostables à la maison : voilà la dernière nouveauté du géant Nespresso disponible en 2023 d’abord en France et en Suisse, puis sur d’autres marchés en 2024. Contactée par nos soins, la marque précise que ces capsules viennent "compléter l'offre de capsules en aluminium", en tant qu'"alternative pour ceux qui préfèrent et peuvent composter leurs biodéchets".  

Le fait que ça soit compostable est une amélioration par rapport aux capsules existantes

À première vue, ce nouveau marché du compostable semble plutôt réjouissant. Il faut dire que, jusqu’à présent, le recyclage des capsules en aluminium reste fortement limité. Sur les dix milliards de capsules produites chaque année par Nespresso, seules 27,7% sont recyclées. Sans compter que l’aluminium est extrêmement énergivore, tant au moment de la production que du recyclage.

"Le fait que ça soit compostable est donc une amélioration par rapport aux capsules existantes", reconnaît Diego Michiels, responsable de formation au sein de l’ASBL Worms, spécialisée dans la gestion des déchets organiques.

La méfiance des défenseurs de l’environnement

Pour autant, face à cette course au compostable, les défenseurs de l’environnement restent sur leurs gardes. La composition exacte du produit, par exemple, reste à déterminer. "On ne sait pas encore exactement ce que ce biopolymère contient", se questionne Diego Michiels. "Tant qu’on n’a pas la composition exacte, on ne peut pas dire si ce sera un produit polluant ou pas."

De plus, pour le responsable de formation chez Worms, les capsules compostables ne sont pas zéro déchet. "Il s’agit toujours d’un produit jetable, même si cela sera éventuellement composté", nuance-t-il. "On continue dans cette logique d’une économie linéaire où l’on produit quelque chose qui sera jeté au final." Vous l’aurez compris, les meilleurs déchets sont ceux que l’on ne crée pas.

L’impact environnemental de l’or brun

Outre le contenant, ce qui inquiète les défenseurs de l’environnement, c’est le contenu de ce type de capsules. "Le problème de ces innovations, c’est qu’elles donnent l’impression qu’on peut consommer du café sans aucun problème environnemental", note Florian Kasser, expert consommation et économie circulaire chez Greenpeace Suisse, lors d’un entretien avec l’AFP.

Or, le café possède une mauvaise empreinte écologique, et cela peu importe la méthode de préparation. "Quand on prépare du café, c’est surtout l’ingrédient lui-même qui a un impact sur l’environnement. Plus que l’emballage ou le type de machine utilisée", explique Renaud De Bruyn, expert déchets et alimentation chez Ecoconso.

En moyenne, en termes de bilan carbone, le café pèse 3x plus que l’emballage

Sébastien Humbert, expert en bilan écologique chez Quantis a comparé l’écobilan d’une tasse de café d’une machine de marque suisse, d’une de cafetière italienne, d’une de café en filtre, d’une autre de café en capsule, et enfin d’une tasse de café soluble. "En moyenne, en termes de bilan carbone, le café pèse 3x plus que l’emballage", explique-t-il au micro de la RTS. Résultat : le café soluble présente le meilleur écobilan, puisqu’il contient aussi moins d’or brun.

Quant aux autres méthodes de préparation, leur score est sensiblement similaire selon qu’il y ait surdosage, que le café soit biologique, que le contenant soit recyclé, que l’appareil appartienne à une bonne classe énergétique, etc. 

Suivant cette logique, on peut déduire qu’à type de café équivalent (biologique, de préférence), il vaut mieux utiliser une capsule biodégradable avec un dosage prédéfini plutôt que de trop remplir une cafetière à filtre. Par contre, si vous êtes économe, la logique s’inverse…

Du côté de Nespresso, on précise même que l'analyse du cycle de vie réalisée en interne "montre que l'impact environnemental d'une tasse de café préparée avec une capsule Nespresso à base de papier compostable à domicile est comparable à celui d'une capsule Nespresso en aluminium recyclé et recyclable." C'est dire que ce qui importe, c'est l'or brun.

Limiter sa consommation

En résumé, si les alternatives compostables constituent bien un progrès, le café n’en demeure pas moins un produit au coût écologique élevé. En d’autres termes, ce n’est pas parce qu’une dosette est biodégradable qu’elle en devient aussitôt eco-friendly.

Il faudrait plutôt privilégier une consommation consciente de l’or brun – en favorisant le vrac, le bio ou encore le fairtrade. Et, surtout, limiter sa consommation. "Le café est devenu un produit très banal aujourd’hui. Mais c’est plutôt un produit de luxe, qui a besoin de beaucoup de main-d’œuvre, de ressources et de logistique", conclut Diego Michiels.

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