Une cour de justice ouest-africaine a ordonné jeudi la suspension de sanctions prises en janvier contre le Mali en raison de la transgression par les militaires de leur engagement à un retour prochain des civils au pouvoir.
La décision de la Cour de justice de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa), rare succès de la junte face aux organisations régionales, ajoute une inconnue à la confrontation diplomatique en cours.
Elle a été rendue à la veille du sommet d'une autre organisation régionale, la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), consacré au Mali.
Sursis à exécution
La Cour de justice de l'Uémoa, saisie par les avocats de l'Etat malien, a ordonné "le sursis à exécution" des sanctions décidées le 9 janvier par les chefs d'Etat et de gouvernement des pays membres de cette organisation.
L'Uémoa avait alors suspendu le Mali de ses organes, endossé des sanctions prises par la Cédéao comme le gel des avoirs financiers d'environ 150 personnalités liées à la junte malienne, et surtout annoncé "des sanctions additionnelles vigoureuses incluant notamment des sanctions économiques et financières".
Elle avait dit qu'elle se solidariserait avec les mesures de rétorsion que prendrait ultérieurement la Cédéao, dont les pays de l'Uémoa sont tous membres.
Dans la foulée du sommet de l'Uémoa, la Cédéao avait annoncé la fermeture des frontières avec le Mali et suspendu les échanges financiers et commerciaux autres que de produits de première nécessité.
Les organisations régionales sévissaient ainsi contre le projet alors affiché par les militaires de se maintenir encore jusqu'à cinq ans de plus à la tête de l'Etat, alors qu'ils s'étaient initialement engagés à organiser en février 2022 des élections qui auraient ramené les civils à la direction de ce pays pris dans la tourmente sécuritaire et politique depuis 2012.
Vive inquiétude face à l'impact des sanctions
L'impact potentiel de ces sanctions sur un pays pauvre et enclavé a suscité une vive inquiétude, mais aussi un large ressentiment, au-delà du Mali, contre les organisations régionales. Les autorités maliennes ont accusé la Cédéao de se laisser instrumentaliser par la France, en pleines tensions diplomatiques entre Bamako et Paris.
Mi-février, un collectif d'avocats mandatés par le gouvernement malien a saisi la Cour de justice de l'Uémoa de deux requêtes: l'une pour demander l'annulation de sanctions illégales selon eux, et une autre pour les suspendre.
C'est sur cette dernière requête que s'est prononcée la Cour de justice en attendant de statuer sur le fond. La Cour note qu'elle peut ordonner un sursis d'exécution en cas d'"urgence". Les arguments de l'Etat du Mali quant à ce caractère d'urgence sont "fondés dans la mesure où (l')application (des) sanctions risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables au regard de l'impact social, économique et financier", dit-elle.
Nouveau sommet vendredi
Les conséquences sur les sanctions de la Cédéao étaient peu claires dans un premier temps. La décision de la Cour de justice devrait peser sur un nouveau sommet extraordinaire de la Cédéao prévu vendredi au Ghana.
La Cédéao a jusqu'alors conditionné une levée progressive de ses mesures de rétorsion à la présentation par les autorités d'un calendrier électoral "acceptable".
Le médiateur de la Cédéao Goodluck Jonathan est reparti dimanche du Mali sans être parvenu à un accord avec la junte sur ce point.
La Cédéao a à ce jour demandé l'organisation d'élections dans un délai de 12 à 16 mois. Au cours de la visite du médiateur Goodluck Jonathan il y a quelques jours, le gouvernement installé par les militaires a lui-même reconnu que la chef de la junte, le colonel Assimi Goïta, avait ramené les prétentions initiales à deux années supplémentaires avant la tenue d'élections.
La Cédéao a invité le colonel Goïta, qui a pris le pouvoir par la force avec d'autres colonels en août 2020 et s'est fait investir président à la suite d'un second putsch en mai 2021, à prendre part au sommet.