Coupe du Monde 2022

"Une équipe qui vieillit un peu mal", "ce ne sera plus l'Eden Hazard d'avant" : les Diables vus par un journaliste français

Egypte - Belgique : 18 novembre 2022 (2-1)

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Joel Domenighetti est rédacteur en chef adjoint du journal L’Equipe. Suiveur de l'équipe de France par le passé, il couvre attentivement les Diables Rouges depuis 2010.

Nous nous sommes entretenus avec lui à quelques jours de l'entrée en lice de l'équipe noire-jaune-rouge dans cette Coupe du monde 2022.

Quel regard porte le suiveur français que vous êtes sur l’équipe belge avant ce Mondial au Qatar ?
"Je considère que ce n'est pas enfoncer des portes ouvertes que de considérer que l'équipe belge vieillit un peu mal. Le renouvellement des générations dévoile une distance entre le niveau des jeunes joueurs qui arrivent en sélection, spécialement en défense, et les anciens qui ont plus de difficultés dans la gestion de la vitesse, de l'intensité et de la rapidité collective des adversaires. Le match en Egypte, même si il ne faut pas lui donner plus d'importance qu'un match de préparation, a démontré qu'il y avait une forme de fragilité dans l'alignement défensif, dans la gestion de la profondeur et plus généralement dans la gestion d'une équipe de transition. Sachant que la Belgique a la possession du ballon et une certaine maitrise technique avec des joueurs de classe mondiale, comme Kevin De Bruyne. Malheureusement, quand il y a des pertes de balle, la reconversion est un peu défaillante. Je ne veux pas en rajouter car c'était un match amical. C'est toutefois une belle alerte avant le Mondial où je considère que la Belgique est moins forte qu'en 2018. Elle aurait pu remporter la Coupe du monde, ça ne se joue qu'à un contre de la tête de Raphaël Varane sur un tir cadré d'Eden Hazard. Au même titre, en Ligue des nations, qu'un hors-jeu de trois centimètres de Romelu Lukaku. Les écarts étaient faibles en 2018, ils l'étaient encore en 2021 malgré le fait qu'il y avait trois ans de plus pour cette défense. On voit que les difficultés défensives sont de plus en plus apparentes."

Vous parlez de notre magicien Kevin De Bruyne. Est-ce que vous pointez d’autres forces majeures chez les Diables ?
"A la Coupe du monde, l'équipe belge avait quatre joueurs de niveau mondial. Le meilleur gardien du monde, il l'était déjà en 2018 et l'est de manière irréfutable aujourd'hui, Thibaut Courtois. Statistiquement, il a empêché 1,98 but par rencontre toutes compétitions confondues la saison dernière. C'est un rapport statistique stratosphérique. Kevin De Bruyne est dans le top 3 mondial. C'est un joueur exceptionnel, un des meilleurs si pas le meilleur en Angleterre. Ils avaient Eden Hazard, qui était dans le top 10 mondial, et Romelu Lukaku. Hazard ne joue plus avec le Real Madrid, il va lui falloir 3 à 4 matches pour retrouver du rythme, de la puissance dans les jambes. Ce ne sera plus l'Eden Hazard d'avant, ce sera quelque chose de consistant qui peut faire quelque chose avec sa qualité technique, son influence sur l'équipe et sa vision du jeu. Je pense que ça n'arrivera pas avant le troisième match ou les huitièmes de finale si la Belgique poursuit. Il y a la même interrogation autour de Lukaku. Sa blessure est une récidive. Il avait programmé de revenir avec l'Inter début octobre. Il a repoussé à fin octobre. C'est un joueur incroyable. J'ai peur qu'il ne soit pas disponible pour le premier tour. Ce qui est fascinant avec la Belgique, c'est que plus elle ira loin, plus elle va retrouver des forces. Est-ce qu'elle sera en mesure de passer le premier tour sans encombre ? Je commence à avoir quelques doutes. Mais l'équipe n'est pas deuxième au classement FIFA par hasard. Sur papier, un huitième de finale mènerait vers l'Espagne ou l'Allemagne. A chaque fois que les Belges prennent une équipe étoilée, l'histoire montre qu'elle n'est pas passée. Les exceptions, c'est le Brésil en Russie au Mondial 2014 et le Portugal à l'Euro l'an dernier. Tout reste possible avec la maturité de l'équipe."

En plus des atouts dont vous parlez, qui sont selon vous les jeunes qui peuvent briller dans ce Mondial ?
"J’ai vu Amadou Onana commencer à s'imposer à Lille. Tous les dirigeants et entraineurs croisés m'ont dit qu'il avait une marge de progression technique énorme et que sur le plan athlétique, il est déjà mûr. Il a une personnalité très ambitieuse. Certaines prennent ça pour de l'arrogance, j'appelle ça de la confiance en lui. A lui de montrer qu'il a aussi cette humilité et ce doute qui accompagnent les champions. Je suis un peu concerné par le deuxième, il s'agit de Loïs Openda. Il joue à Lens, un club dont je m'occupe au quotidien, tout comme Lille justement. Cette compétition, c'est sa chance, la chance de sa vie. Il a été maintenu en U21 pour développer ses compétences et pour que la marche vers l'équipe A soit plus petite et qu'il soit opérationnel tout de suite. Je trouve que la gestion a été intelligente. A Lens, il a pris la mesure du championnat, qui est plus dur que ceux des Pays-Bas et de Belgique réunis. Notamment défensivement et notamment pour les attaquants. C'est très dur, il n'y a pas d'espace, les défenses sont très resserrées. Il a déjà marqué sept buts, il a montré des compétences dans le jeu, dos au but, pour jouer en appui avec ses partenaires, il a pris les espaces. Il a gardé ses facultés primaires : la vitesse, le jeu en profondeur et son sens du but. Son but face à l'Egypte est, selon moi, la preuve qu'il mérite, si Lukaku n'est pas titularisé, de débuter. Il apporte quelque chose de plus que Michy Batshuayi, qui est un buteur et un attaquant qu'il faut servir. Openda possède une panoplie technique plus développée. Je trouve que c'est un peu trop tôt pour Zeno Debast. Il manque de maturité, il risque de faire une erreur comme contre le pays de Galles ou les Pays-Bas. Le haut niveau est sans pitié. J'ai été très intéressé par Arhur Theate. Il commence à faire des choses intéressantes à Rennes, il est gaucher, il a eu des relances très propres contre l'Egypte. Vous avez du réservoir, certes moins qu'en France, mais c'est numériquement parlant. Je trouve que la principale compétence de Roberto Martinez, c'est d'avoir pu faire gagner du temps pour le renouvellement des générations. Aujourd'hui, la Belgique est à la croisée des chemins. Il va y avoir un coup de moins bien, mais vous n'allez pas plonger au ranking FIFA. Avoir été numéro 1 mondial pour un pays comme le vôtre, au vu du nombre d'habitants, ça a été extraordinaire. Ca me rassure sur votre avenir, même si ce sera moins fort que ça n'a été parce que c'était la meilleure génération de tous les temps en 2018."

Plus personne, ou presque, ne place la Belgique dans la liste des favoris. Qui pointez-vous comme vainqueur potentiel ?
"Je ne vois pas la Belgique aller plus haut que les huitièmes de finale. J'espère pour vous que je me trompe. Je ne place pas la France dans les favoris car je ne sais pas combien de matches Karim Benzema va pouvoir jouer (ndlr : on a, depuis cet entretien, appris le forfait du Français). On a cela dit toujours des difficultés au début, ça c'est bon signe pour la suite. Le Danemark, un adversaire de la France en phase de groupes, est un des favoris pour le dernier carré. Ils ont montré une force collective incroyable à l'Euro. Je suis persuadé que le Brésil va faire quelque chose. J'aurais aimé mettre une pièce sur le Sénégal, mais Sadio Mané s'est blessé. Une surprise peut toujours se présenter, je ne connais pas toutes les équipes. Je n'oublie pas l'Argentine, qui escorte peut-être la dernière compétition internationale en sélection de Lionel Messi. Je ne crois pas au Portugal, je n'y crois plus."

Les Diables Rouges avant l'amical face à l'Egypte
Les Diables Rouges avant l'amical face à l'Egypte © Tous droits réservés

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