Belgique

Une fillette de 11 ans tuée à Anvers : "Cela pourrait mener à des contre-violences", selon le criminologue Michaël Dantinne

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Une enfant de 11 ans a été tuée ce lundi à Anvers, à la suite de tirs sur la façade d’une maison de Merksem. Le parquet d’Anvers a précisé que la famille de la victime n’est pas directement liée au milieu de la drogue. Ses oncles le sont néanmoins. L’un d’eux vit à Dubaï et serait un acteur important du trafic de drogue international. Le procureur du Roi d’Anvers a qualifié ces faits de narcoterrorisme.

Les actes de violence liés à la drogue se multiplient depuis plusieurs années dans la métropole. Depuis 2017, la ville en a connu environ 200 : des lancers de grenade, aux tirs sur des habitations, en passant par des incendies de véhicules, jusqu’à ce lundi, où une victime innocente est tombée. Comment décoder ces faits de violence ? Michaël Dantinne, criminologue à l’ULiège nous apporte son éclairage.

De quoi cette violence est-elle le signe ?

"Quand, autour du narcotrafic, on a une violence qui devient plus visible, c’est qu’on a un marché qui n’est plus stable.

Il est probablement déstabilisé par différents éléments. D’abord, par les actions policières et judiciaires. Les chiffres de 2022 indiquent que 110 tonnes de cocaïne ont été saisies par les autorités belges dans le port d’Anvers. C’est un record qui est imputable, pour partie, au démantèlement du réseau SKY ECC (réseau de communications cryptées utilisé par des trafiquants, ndlr). C’est tout le paradoxe : ayant porté des coups importants au trafic de drogue, on a déstabilisé le marché et on en paie le prix à travers une flambée de violence.

Concrètement, si on saisit 500 kg, il y a des gens qui ont acheté ces 500 kg qui ne les ont plus mais doivent tout de même les payer. Il y a, à mon avis, un certain nombre d’ardoises impayées qui ont provoqué une certaine tension entre les acteurs, qui recourent à la violence pour des raisons de dettes et de créance.

Par ailleurs, ceux qui avaient la mainmise sur le système sont peut-être ébranlés, et d’autres acteurs tentent peut-être de prendre leur place."

Quel est l’autre élément qui aurait provoqué une déstabilisation du marché ?

"Le marché est aussi en train de se reconfigurer. On voit de plus en plus arriver sur le sol européen de la cocaïne à un état plus primaire qu’avant, parce qu’elle est plus facile à cacher (on imbibe un tee-shirt ou du plastique, ce qui n’est pas possible avec de la cocaïne en poudre).

Extrait de notre 19h30 de ce mardi

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On a découvert chez nous des laboratoires qui ressemblent à ceux qui se trouvent en Colombie. Il y a eu une sorte de deal d’échange de compétences : les Néerlandais et les Belges ont appris aux Colombiens à faire de la drogue de synthèse, et les Colombiens leur ont appris à transformer la cocaïne. Cela a aussi contribué à bouleverser les choses."

Qui dit trafic de drogue dit aussi corruption, cela aussi peut amener de la violence ?

"La corruption est indispensable au trafic : elle permet de savoir où un contrôle aura lieu, d’éviter les contrôles, de localiser un container etc.

Il est possible que, pour une partie des violences auxquelles on a assisté à Anvers, il s’agisse de mise sous pression de personnes corrompues, pour les convaincre de travailler pour un autre réseau, ou pour les obliger à continuer si elles voulaient arrêter, par exemple."

Les oncles de l’enfant tuée ce lundi sont suspectés d’être des trafiquants de drogue haut placés. L’un d’eux vit à Dubaï. De nombreux trafiquants de drogue se réfugient dans ce pays du Golfe. Une manière de se protéger ?

"Sans parler de l’affaire de ce lundi sur laquelle on a encore peu d’éléments, on peut dire que, oui, les gens qui tirent les ficelles ne restent pas à proximité des zones chaudes. Ils se mettent à l’abri, à la fois des risques physiques et des risques pénaux. Par ailleurs, au niveau financier, puisque ces gens ont des perspectives de gains importants, il est également intéressant pour eux d’être dans une place financière forte où l’on n’est pas très regardant sur l’argent.

À nouveau, sans présumer de ce qu’il s’est passé lundi, si quelqu’un veut intimider ou faire passer un message à des personnes qui se trouvent loin d’Anvers, loin du théâtre des opérations, il s’en prendra plus facilement à sa famille restée à proximité."

Les faits de lundi vous font-ils craindre une escalade de la violence ?

"Oui, SI il s’agit d’une violence porteuse d’un message qui a mal tourné, avec une victime collatérale, il est assez vraisemblable que ceux qui ont été touchés n’utiliseront pas les voies légales pour réagir. Cela pourrait mener à des contre-violences."

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