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Une nationaliste pour la première fois au poste de Première ministre d’Irlande du Nord ?

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Par Philippe Antoine

Dans le contexte international actuel, écrire que l’on a jusqu’à présent accordé peu d’attention au renouvellement des 90 membres de l’Assemblée d’Irlande du Nord est un euphémisme. L’issue de cette élection va peut-être pourtant marquer un tournant majeur dans son histoire et peut-être même dans l’histoire du Royaume-Uni.

Créée en 1998 dans le cadre de l’accord du " Vendredi saint " marquant la fin de trente années de conflit, l’Assemblée d’Irlande du Nord est une institution qui permet à la province britannique d’être gérée par un gouvernement dont le Premier ministre est issu du parti vainqueur de l’élection alors que le parti arrivé en deuxième position hérite du poste de vice-Premier ministre. Pour être tout à fait précis, Premier ministre et vice-Premier ministre doivent être issus d’un parti unioniste ou nationaliste, c’est prévu par l’accord de 1998.

Et même si le Premier ministre ne peut pas prendre de décision sans l’accord des vice-premiers ministres – c’est aussi établi par l’accord – le symbole reste fort. Si les sondages de ces derniers mois se confirment, ce serait la toute première fois que l’Irlande du Nord serait dirigée par un ou plus exactement une nationaliste dans ce cas-ci puisqu’il est probable que l’honneur reviendrait à Michelle O’Neill, vice-présidente du Sinn Fein et vice-première ministre d’Irlande du Nord depuis 2020.

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Siégeant à Belfast, l’Assemblée d’Irlande du Nord dont est issu le gouvernement a le pouvoir de légiférer dans des domaines tels que la santé, l’éducation, la justice, l’agriculture et l’environnement. Mais elle n’a en revanche aucune compétence sur d’autres matières telles que la politique étrangère ou la Défense, qui relèvent du parlement de Westminster, autrement dit du Royaume-Uni.

 

Les unionistes ont remporté toutes les élections depuis… 100 ans !

Depuis 2003, c’est le parti unioniste DUP (Democratic unionist party, majoritairement protestant et surtout viscéralement attaché au maintien de l’Irlande du Nord au sein du Royaume-Uni) qui obtient le plus d’élus et donc le poste de Premier ministre, alors que les républicains du Sinn Fein (majoritairement catholiques), dont l’objectif avoué est la réunification de l’Irlande, ont systématiquement décroché la deuxième place depuis 2007. Et si l’on remonte plus loin dans le temps, avant les accords de 1998, ce sont les unionistes (soit le DUP, soit le UUP) qui ont gagné les élections en Irlande du Nord depuis 100 ans !

Mais ce jeudi 5 mai, les Irlandais du Nord pourraient se retrouver dans une configuration historique avec une victoire du Sinn Fein. C’est en tout cas ce que prévoient les sondages. Et plusieurs dirigeants politiques irlandais ont d’ores et déjà qualifié cette élection de " plus importante d’une génération " alors que d’autres vont plus loin encore en parlant de " l’élection la plus importante de l’histoire " de l’Irlande du Nord.

Le Parlement d’Irlande du Nord, connu aussi sous le nom de "Stormont"
Le Parlement d’Irlande du Nord, connu aussi sous le nom de "Stormont" © AFP or licensors

Pouvoir d’achat et santé, mais pas que…

Pendant la campagne, les principaux partis ont certes placé le coût de la vie et la santé en tête de leurs priorités, mais personne n’est dupe : l’agenda réel des uns et des autres contient aussi des sujets aussi sensibles que, pour les unionistes du DUP, l’abandon du " protocole nord-irlandais ", à savoir un dispositif mis en place après le Brexit pour permettre des contrôles douaniers sur les marchandises en provenance de Grande-Bretagne, et pour les républicains du Sinn Fein, c’est purement et simplement la réunification de l’île.

Le parti qui a d’abord été la vitrine politique de l’IRA (Irish republican army) est aujourd’hui dirigé par une nouvelle génération qui a pris ses distances avec ce passé violent, et il est parfaitement conscient que la réunification n’est pas une priorité pour les électeurs Nord-irlandais à un point tel que la question de l’Irlande réunie se résumait à une seule des dix-sept pages du programme du Sinn Fein pour cette élection. Mais une victoire du Sinn Fein ce 5 mai constituerait sans aucun doute un pas de plus dans cette direction.

 

Une élection regardée avec grand intérêt depuis Dublin

Ce qui va se dérouler ce jeudi en Irlande du Nord sera scruté dans le sud de l’île, et particulièrement à Dublin. Comme le dit Neale Richmond, sénateur irlandais du parti Fine Gael (centre droit), "cette élection est terriblement importante ! Tous, à Dublin et partout en Irlande, nous allons regarder les résultats avec beaucoup d’intérêt, c’est un sujet de conversation pour beaucoup d’entre nous depuis plusieurs semaines. Les Irlandais du nord ne sont pas seulement nos voisins, ce sont nos cousins ! Nous espérons évidemment avant tout qu’il sera possible de former un gouvernement, et c’est d’ailleurs une question que je vais adresser au Premier ministre irlandais dans moins d’une heure afin d’être sûr que l’Irlande et le Royaume-Uni feront tout ce qui est possible pour qu’un gouvernement soit formé. Si le Sinn Fein l’emporte, ce sera peut-être un pas de plus en direction de la réunification, mais l’essentiel, après la démission de la Première ministre du DUP en avril 2021 puis de son successeur en février 2022, c’est vraiment la formation d’un gouvernement".

Et c’est loin d’être acquis puisque les unionistes du DUP ont fait savoir qu’il était exclu pour eux de gouverner en position de numéro deux derrière les nationalistes du Sinn Fein. Cette élection sera donc peut-être déterminante pour l’Irlande du Nord. Même si la question du référendum (ce que les Britanniques et les Irlandais appellent le " border poll ") est encore loin d’être tranchée, puisque c’est le seul moyen légal vers une réunification de l’île et que c’est le gouvernement britannique qui a le pouvoir de l’autoriser. Les probabilités que l’on s’intéresse de plus près à l’Irlande du Nord sont élevées…

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