Belgique

Une simple famille réussit à faire condamner la multinationale 3M, un important précédent

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Par Daphné Van Ossel

Une simple famille de riverains a réussi à faire condamner la multinationale 3M, dans le dossier de la pollution au PFOS, ce polluant éternel qui imprègne les terres autour de son usine de Zwijndrecht à Anvers. C’est une victoire de David contre Goliath, qui pourrait constituer un important précédent

La famille Verstraete a des taux de PFOS dans son sang, bien supérieurs à la limite autorisée, un sérieux risque pour sa santé. Et sa maison a par ailleurs perdu de la valeur à cause de la pollution. Pour s’attaquer au géant américain, Kurt et Isabelle ont choisi la petite porte, et ça a marché. C’est un juge de paix (anversois) qui a condamné 3M pour "troubles anormaux de voisinage".

Pas nécessaire de prouver une faute

"C’est vrai que c’est intéressant [d’aller en justice de paix], explique Charles-Hubert Born, professeur à l’UCLouvain spécialisé en droit de l’environnement, parce qu’il n’est pas nécessaire de démontrer qu’il y a eu une négligence de 3M, il ne s’agit pas de démontrer une faute. Il suffit de prouver qu’il y a eu un trouble anormal, excessif, de voisinage et de prouver un lien causal entre les activités menées par le propriétaire (3M) et le trouble subi par le voisin (la famille Verstraete)."

Pour le lien de cause à effet, il y avait largement de quoi faire : "La pollution par l’usine 3M dans la région de Zwijndrecht a été largement étudiée et documentée par le gouvernement flamand et par une commission parlementaire." Et pour le côté excessif, le juge s’est basé sur les taux anormalement élevés de PFOS présents dans le sang des plaignants.

Cette procédure est aussi plus rapide qu’une éventuelle procédure au pénal. Cela dit, 3M ne devra payer que 2000 euros à la famille, une bagatelle pour l’entreprise. Mais ce chiffre pourra encore augmenter si d’autres préjudices se font jour, et la famille Verstraete a surtout voulu ouvrir la voie à d’autres actions.

Ouvrir la voie

"Nous avons toujours pensé que si nous gagnions, beaucoup d’autres suivraient notre exemple. Maintenant, la porte est ouverte", dit Geert Lenssens, l’avocat des Verstraete dans le Standaard.

Le collectif Darkwater 3M, dont Kurt et Isabelle Verstraete font partie, rassemble de nombreux riverains touchés par la pollution autour du site de Zwijndrecht. D’autres pourraient se lancer dans une action similaire.

"Il est certain que cette décision va faire du bruit et donc peut-être inciter tous les ménages qui habitent autour de l’usine à introduire eux-mêmes une action devant le juge de paix compétent", confirme Charles-Hubert Born.

La question, qui n’est pas abordée par le juge, est de savoir qui est considéré comme voisin de l’usine. Les Verstraete habitent à 1 km de l’usine, mais jusqu’où pourrait aller le "voisinage" ? "Si cette contamination est bien allée jusqu’à Anvers, on parle de dizaine de milliers de ménages qui pourraient être concernés, donc c’est une question intéressante sur le plan juridique, mais elle n’a pas été abordée par le juge."

Cela pourrait aussi concerner d’autres entreprises, précise le professeur. "Ça pourrait en effet concerner d’autres entreprises mais il faut quand même prouver la contamination aux alentours, ce qui n’est pas nécessairement le cas pour toutes les entreprises qui produisent du PFOS."

3M peut toujours aller en appel mais si la décision est confirmée, elle risque donc de faire jurisprudence.

Une simple famille réussit à faire condamner la multinationale 3M

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