Cela discute toujours et, plus concrètement, cela coince toujours au niveau du gouvernement fédéral à propos de la vaccination obligatoire du personnel soignant. Si, sur la philosophie de la mesure, tous les partis de la majorité sont d’accord, c’est la mise en œuvre pratique qui fait débat, avec l’important volet "sanctions" pour les professionnels de la Santé qui resteraient, malgré toutes les pressions, réticents à la vaccination.
Un comité ministériel restreint (kern), virtuel, tenu cet après-midi, n’a pas permis d’avancer. Le sujet fera à nouveau l’objet d’une autre réunion entre les principaux ministres de l’équipe De Croo lundi soir.
Il y a quelques jours, nous avions pu consulter l’avant-projet de loi vaccination obligatoire du personnel soignant, élaboré par le ministre de la Santé (Vooruit) Frank Vandenbroucke. L’objectif du texte – refrain bien connu : garantir la continuité des soins et protéger soignants et patients.
Mais attention : le projet fédéral ne concerne que les professionnels de santé au sens strict, pas tout le personnel qui travaille dans les établissements de soins, nettoyage, cuisine, etc. Là, c’est une compétence régionale qui s’exerce. Cela fait tout de même du monde : environ 500.000 personnes actuellement vaccinées à près de 89% et auxquels une 3e dose, dose de rappel, est déjà proposée.
Le texte, ciblant dès lors avant tout quelque 60.000 – disons – "récalcitrants", fixe une obligation de parcours vaccinal complet : 3 doses, mais qui sait à l’avenir 4,5 ou plus. L’obligation entrerait en vigueur au 1er janvier, mais avec une période de transition de 3 mois pour se faire vacciner, sauf contre-indications médicales extrêmement rares.
Une nouvelle campagne de sensibilisation serait menée côté autorités et institutions médicales. Il est question de testing obligatoire régulier durant cette période de transition. Le contrôle et la sanction ne démarreraient, eux, qu’au 1er avril. Avertissement par le directeur général "Soins de santé" de l’Administration de la Santé, droit de défense et d’explications du professionnel mais sans justification valable, le professionnel ne pourrait plus exercer. Privé de son visa ou enregistrement. Il serait procédé d’ici avril à d’autres changements légaux permettant l’accès et le contrôle des données privées de santé.
Voilà pour le scénario général côté gouvernement fédéral. Le ministre de la Santé espère voir la disposition adoptée par la Chambre courant décembre pour respecter le calendrier imaginé. Mais pour cela, le gouvernement lui-même doit pouvoir avancer sur une seule ligne…
Quelles sanctions ? Chômage temporaire, licenciement ?
Le kern du jour a passé en revue le texte concocté par le ministre de la Santé. Et comme entendu ici et là depuis quelques jours, la discussion a bien coincé comme lors d’une première réunion, mercredi, sur les conditions futures de la sanction. A partir du 1er avril 2022, à défaut d’être en ordre de vaccination, tout personnel de santé perdrait son accès à la profession.
Pour reprendre la position des uns et des autres, il y a le MR qui évoque une possibilité de "licenciement", pour faute grave, et dès lors selon les libéraux francophones ce serait sans droit au chômage. Le hic c’est qu’apparemment, il faudrait encore pouvoir "blinder" juridiquement le fait que l’absence de vaccination constitue bien une "faute grave".
Quid aussi de la position des membres indépendants du personnel soignant ? Côté PS, on défend l’idée d’un filet de sécurité et d’un droit au chômage temporaire pour les soignants qui refuseraient le vaccin, voire un droit passerelle précisément pour les indépendants, estimant que cette perte de revenus temporaire serait déjà une "sanction suffisante".
Le compromis – loin d’être mûr pour le moment, viendrait de propositions émises par les partis flamands (Cd&V, Open Vld), optant pour un droit au chômage limité dans le temps ou dégressif, en misant enfin sur un sursaut des plus récalcitrants. Cela discute aussi sur la durée de la suspension et sur ce "droit au chômage", trois ou six mois… Avant un éventuel licenciement.
On sait aussi que patrons et syndicats eux-mêmes sont très divisés sur la question de la sanction, ils n’ont d’ailleurs pu se mettre d’accord sur le sujet lors de leurs consultations au sein du Conseil national du Travail.
Côté Ecolo-Groen, on a visiblement mis sur la table l’idée de pouvoir déplacer le personnel non-vacciné vers des postes sans contacts avec le patient/public, et donc de changer de jobs dans une institution, mais cela paraît à beaucoup – même à gauche – compliqué à mettre en application.
Bref, cela discute toujours. Notons en comparaison qu’en Italie, en France, de tels systèmes de sanctions pour le personnel soignant non vacciné existent déjà. En France par exemple, avec période de transition, suspension de contrat etc., c’est d’application depuis le 15 octobre. Chez nous, la discussion est engagée depuis le début de l’été et est loin d’être finie pour une application prévue donc au 1er avril 2022…