Ce jeudi sur la Première ce sont l’Etat de Droit et le respect des libertés qui sont à l’honneur. Au micro de Thomas Gadisseux pour en parler, Vanessa de Francquen, présidente du Conseil supérieur de la Justice, organe créé après l’affaire Dutroux afin de sélectionner et de nommer les magistrats du pays.
On ne peut pas tenir une audience jusqu’à 11 heures du soir pour pouvoir faire face à la pénurie de magistrats
Car au sein de l’appareil judiciaire ils sont nombreux à sonner l’alerte. L’Etat de droit menacé faute de moyens et surtout de personnel ? La pénurie de juges est criante : "On ne peut faire que ce qui est humainement faisable […] on ne peut pas tenir une audience jusqu’à 11 heures du soir pour pouvoir faire face à la pénurie de magistrats"
Un Etat de droit "toujours en danger" pour Vanessa de Francquen. "On est à un moment charnière aujourd’hui. Le pouvoir judiciaire a toujours été le parent pauvre de l’Etat et a connu des restrictions budgétaires ces dernières années. Les cadres ne sont plus adaptés. Il y a une pénurie au niveau du personnel judiciaire également. 17% des magistrats ont plus de 60%, la moyenne est d’environ 50 ans (…) c’est pour cela que l’on lance une opération de séduction, pour choisir les magistrats de demain", ajoute la présidente du Conseil supérieur de la Justice. Une opération de séduction qui vise à permettre aux étudiants de suivre des magistrats dans leur quotidien.
L’espoir, la paupérisation des avocats ?
Mais tout n’est pas noir. "Il y a des magistrats formidables qui travaillent dans des conditions compliquées. L’état a également pris conscience qu’il était temps d’investir dans le pouvoir judiciaire. Le ministre a reçu des moyens, il publie des places. Il a obtenu des fonds européens pour la digitalisation."
Malheureusement, les moyens ne suffisent pas toujours pour attirer, créer des vocations. En 2018, un sondage réalisé par le COnseil supérieur de la Justice montrait que les avocats sont toujours intéressés par la profession de magistrat. Cependant les conditions de travail au quotidien (absence de statut social, bâtiments vétustes, salaire par rapport à celui d’un grand avocat d’affaire, etc.) freinent les enthousiasmes. Pour Vanessa de Francquen cependant : "Un juge gagne mieux sa vie qu’une grande frange des avocats, cela étant du notamment à la paupérisation qui affecte le barreau".
"À Bruxelles, à la Chambre fiscale on fixe à 2028, 2030"
Une situation qui impacte directement la population. Report de procès, délai judiciaire qui s’allonge, arriéré qui se creuse., les magistrats sont donc contraints de prioriser. "À Bruxelles, à la Chambre fiscale on fixe à 2028, 2030, on a des milliers de dossiers en attente. On a environ 2500 magistrats en Belgique, qui travaillent, mais ce n’est pas suffisant. Le cadre date de 20 ans, et ce n’est plus adapté."
Reste la question du méga-procès des attentats du 22 mars et des craintes qu’il génère. "Le procès inquiète en effet beaucoup de monde. Le ministre a pris conscience de ces mega-procès qui arrivent et a créé des places surnuméraires." Un défi pour la Justice, afin que cela n’impacte pas (trop) le reste des dossiers.