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Vanille : “J’ai beau adorer le rock québécois, j’avais envie de faire quelque chose de différent”

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Par Diane Theunissen

Vanille, c’est le projet solo de l’autrice-compositrice-interprète Rachel Leblanc, véritable figure de proue de la scène pop-folk québécoise. Tout juste sortie de l’adolescence, cette artiste à la voix cristalline chante en français sur des instrus qui altèrent entre folk et shoegaze, le tout truffé de références sixties légères et assumées. Très inspirée par l’histoire, les harmonies et les chanteuses françaises – à se demander si elle ne serait pas l’enfant cachée des Beach Boys et de Françoise Hardy –, Vanille nous livre des textes ultra honnêtes, et nous plonge la tête la première dans ses rêveries. Rencontre. 

Hello Vanille ! Comment vas-tu ?

Bien, je me sens comme sur un nuage. C’est la première fois que je vais outre-mer pour aller jouer, et c’est même la première fois que je vais outre-mer tout court (rires). C’est vraiment spécial pour moi d’être ici. On casse la glace comme on dit ! 

Il y a quelques jours, tu donnais un concert à Liège dans le cadre du festival FrancoFaune. Comment est-ce que ça s’est passé ?

C’était vraiment le fun. C’était au Centre Culturel de Chênée qui est comme un centre communautaire. C’était vraiment impressionnant de jouer devant autant de gens que je ne connaissais pas, la salle était pleine ! Les gens venaient voir An Pierlé – qui jouait après moi – mais je pense que j’ai plu a quelques-uns, j’ai eu de bons commentaires après le concert. Il y a quelqu’un qui m’a dit que ce que je faisais était “rafraichissant”, et honnêtement, c’est le meilleur compliment que j’ai jamais reçu. Donc merci à ce monsieur liégeois (rires). C’est marrant, en général les personnes plus vieilles apprécient ma musique. J’ai un son un peu retro et j’écoute beaucoup de musique des années soixante, du coup ça les rejoint. J’entends souvent les gens me dire au Québec “Ohh ça me fait penser à la musique de mon enfance”. Je trouve ça mignon. 

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En écoutant ton premier album Soleil '96 ou ton nouveau single “À bientôt”, on se rend compte qu’il y a un côté très yéyé à ta musique. Quel est ton rapport à ce genre musical ? 

Je me suis à la base beaucoup inspirée de la musique française, avant même d’aller dans le yéyé québécois. On connait nettement mieux la musique exportée de France. C’est vraiment grace à Françoise Hardy ou encore à France Gall, que j’écoutais beaucoup, que je me suis dit que j’allais faire de la chanson. Avant je faisais plutôt du rock, j’avais plus envie d’un groupe de musique et j’ai finalement pris la décision de faire un projet solo et de faire de la chanson. Ça me représentait plus. Ensuite je me suis intéressée au rock garage québécois et j’ai découvert des groupes comme Les Lutins, qui étaient des jeunes gosses de 15 ans qui faisaient de la musique yéyé. Donc c’est ce mixte entre la musique de France et du Quebec, mais toujours des années soixante, dont je me suis inspirée pour créer. J’écoute vraiment cette musique-là, je ne suis pas une personne très contemporaine (rires). Mes amis me disent souvent que je devrais écouter plus de musique récente mais je ne sais pas ce que j’ai, je suis peut-être une personne nostalgique. Mais je suis happy par la musique de cette époque-là, et je voulais recréer ça. 

C’est intéressant, tes morceaux sont quasiment hybrides : en plus du côté chanson, on retrouve sur ton album Soleil ’96 une emprunte rock très présente. Est-ce que le rock t’influence toujours autant ? 

Avec le prochain album qui sort l’année prochaine, j’ai quand même évaporé tout ce qui est rock. Je suis allée dans un côté plus folk ; c’est moins chanson rock, c’est plus chanson folk. Il n'y a presque pas de drums sur l’album, mise à part la cymbale. C’est vraiment guitare acoustique, guitare classique, des arrangements de flûte traversière, de clarinette, il y a du clavecin, etc. Je voulais aller ailleurs. J’ai beau adorer le rock quebecois, j’avais envie de faire quelque chose de différent. Mes influences récentes c’est davantage le folk anglais et le folk californien que le rock garage. 

Est-ce que tu penses à des artistes en particulier ? 

J’aime beaucoup Fairport Convention, Sandy Danny, ou encore Shirley Collins, une grande dame du folk anglais. 

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Est-ce que tu dirais que ce tournant est également dû à ton évolution ? Le passage à l’age adulte favorise peut-être un certain retour à l’essentiel ? 

Oui ! Quand j’ai composé le premier album, j’avais 21 ans, j’étais dans la jeunesse. Quand on est jeune, on aime bien le garage et le rock parce que ça nous permet de nous défouler. Il y a aussi le “cool factor” du rock, tandis que le folk c’est plus calme. Tu vas plus dans l’introspection, je pense que c’est plus honnête. Alors je ne dis pas que les gens qui font du rock sont malhonnêtes, je parle de mon propre parcours. Quand je crée des chansons en guitare-voix puis que j’écris mes textes, on dirait qu’ils deviennent plus importants quand il y a moins d’instruments. 

Revenons-en à tes débuts : comment t’es-tu lancée dans la musique ?

J’ai commencé à jouer de la guitare à 15 ans de façon autodidacte. J’allais sur internet et je regardais comment faire des accords. Apres ça, j’ai vite commence à faire de la composition. Je composais des morceaux en anglais, et je sais pas pourquoi je faisais ça. C’est comme si dans ma tete c’était plus facile en anglais, pourtant ça n’a plus aucun sens aujourd’hui pour moi. C’est comme si je jouais à faire de la musique plutôt que de faire de la musique réellement. 5 ans plus tard j’ai commencé à faire de la musique avec mon copain de l’époque et son ami. On était un trio et on s’appelait Vanille. C’était toutes mes compositions mais je n’assumais pas le côté carriériste, solo, c’était un groupe de musique. Je me demande si ce n’était pas aussi pour être plus facilement acceptée, il y avait aussi un côté boys club là-dedans. On a fait un EP en anglais qui s’appelait My Grandfather Thinks I’m Going to Hell, c’était vraiment du rock shoegaze. Finalement, je me suis séparée de mon copain et le groupe s’est cassé. Eux ils continuent à faire du rock, puis moi je me suis mise à faire mes chansons toute seule. C’est là que j’ai rencontré Emmanuel Ethier qui a réalisé mon premier album, Soleil 96. C’st avec lui que la carrière a décollé, c’est quelqu’un de bien connu au Quebec et il m’a ouvert beaucoup de portes. C’est lui qui a fait l’album de Bon Enfant, il a aussi travaillé avec Peter Peter, Coeur de Pirate, etc. Il m’a mise sur les tracks. Après cet album-là que j’ai sorti en 2021, je me suis mise dans la branche folk. J’ai travaillé avec mes amis – je me rends compte en te parlant que je ne travaille qu’avec mes amis – je leur ai dit “allez, venez faire un album avec moi” (rires). On est allés dans une cabane super loin dans les bois avec un beau lac, c’était parfait. C’était l’automne dernier, il y avait la première neige qui tombait. On a fait deux semaines d’enregistrement puis les choses se sont enchaînées : les concerts, les partenariats, et bientôt ce bel album que j’ai tellement hâte de vous faire entendre. Il sortira en février ! 

Tu viens de Montréal. Comment cette ville influence-t-elle ta musique ? 

Oui, je suis née en banlieue de Montréal, à Laval. Et encore une fois, c’est avec une loupe un peu nostalgique que je regarde Montréal. Je suis aussi une fan de cinéma, de documentaires et de tous les films qui se passent à Montréal dans les années soixante (les films faits par l’ONF, notamment). C’est donc par le cinéma que j’ai eu conscience de ma ville. Je suis amoureuse des images de la ville, même si j’y habite depuis 4 ans maintenant. C’est par les oeuvres que je reconnais cette ville-là et que j’ai envie de la représenter. 

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Est-ce que tu inclues Montréal dans tes chansons ? 

Je n’en parle pas mot pour mot mais forcement en vivant à Montréal, j’évolue avec d’autres artistes. On s’influence tous entre nous : la Mecque musicale au Québec, c’est Montréal. Quoique la ville de Québec aussi a son importance, il y a beaucoup de partenariats entre Québec et Montréal. 

Est-ce que tu te sens appartenir à la scène locale ? 

Oui, à 100%. On est très solidaires les uns envers les autres, on va voir les concerts des autres, les autres viennent à nos concerts, on s’achète des disques entre nous, on fait la promotion des autres sur nos réseaux sociaux, etc. On est très tissés-serrés au sein de la communauté. Dès que tu fais partie de la scène, peu importe le genre, tu es automatiquement accueilli. En plus, à Montreal, les locaux de répétition ne coutent pas cher, il y a beaucoup d’entraide. On est parfois dix dans un local, petit band, gros groupe, peu importe où tu te situes sur l’échelle, il y a de la place pour tout le monde. Je suis vraiment chanceuse. 

Au niveau des thèmes abordés, ton premier album était très axé sur l’humain, l’amour et les relations. Est-ce que tu changes ton fusil d’épaule pour le deuxième ?

Complètement. Lorsque j’ai écrit mon premier album, l’amour était au centre de ma vie. Je vivais beaucoup de peines d'amour comme tous les jeunes gens. Entre temps, j’ai vécu une rupture amoureuse et j’avais envie de faire davantage d’introspection. C’est un album qui parle beaucoup de sa place dans le monde. Ça parle beaucoup de la nature aussi. Même avant que j’aille l’enregistrer dans cette fameuse cabane, j’allais beaucoup en forêt pour écrire. C’était comme un refuge. Montréal devenait un peu stressant avec la pandémie, et quitter la ville pour aller dans la forêt m’a donné l’occasion d’écrire sur des thèmes totalement différents. Je ne pensais plus à l’amour ou aux peines, mais plutôt à l’avenir et à la façon dont on trouve sa place dans l’histoire. Je me suis beaucoup intéressée à l’histoire de l’art et en même temps que je m’inspirais de la nature, je me suis beaucoup inspirée de l’époque médiévale. Je regarde beaucoup de peintures médiévales, et j’avais envie dans mes arrangements d’aller chercher quelque chose de baroque. Quand on y pense, dans les sixties il y a avait aussi ce retour au baroque. Mon projet, c’est comme une imitation des sixties qui imite le baroque. 

Pour finir en beauté, peux-tu me parler d’un.e artiste qui te plaît particulièrement ?

Pour une fois, je vais citer quelqu’un de recent : c’est Weyes Blood. C’est mon artiste favorite, c’est la meilleure. J’aime beaucoup Angel Olsen aussi, il y a un pattern (rires). Mais Weyes Blood vraiment, sa voix est magnifique. C’est l’inverse de moi : sa voix est très basse tandis que la mienne est très aiguë. C’est ma voix de rêve, en fait. J’aimerais tellement faire sa première partie ! Elle vient à Montréal au mois de mars, j’ai déjà acheté mes billets tellement j’ai hâte. 

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