Belgique

Variole du singe : non, le virus ne touche pas que les hommes homosexuels

Monkeypox Virus

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La variole du singe donne déjà lieu à des commentaires homophobes et racistes. L’Onusida, l’agence chargée de combattre le sida, l’a constaté et, forte de son expérience avec le sida, elle avertit : ces attaques racistes ou homophobes "créent un cycle de peur, qui pousse les gens à éviter les centres de soins, ce qui limite la portée des efforts pour identifier des cas d’infection et encourage des mesures coercitives inefficaces".

La variole du singe est endémique en Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, c’est normalement là qu’elle sévit. Cette fois, une centaine de cas ont été détectés dans une dizaine d’autres pays, notamment au Royaume-Uni  ou en Belgique (4 cas détectés chez nous). Actuellement, une part significative des cas identifiés concerne "les homosexuels, bisexuels, et d’autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes".

Non-sens épidémiologique

Cependant, l’épidémie n’est pas pour autant limitée à cette population. "On n’est pas dans une concentration d’une épidémie dans des populations homosexuelles, précise Jean-Christophe Goffard, infectiologue, chef de service de médecine interne à l’hôpital Erasme. "Ce serait ridicule de dire ça, c’est un non-sens épidémiologique. La transmission se fait par contact cutané étroit, quel que soit le type de contact, c’est d’ailleurs pour cela qu’un bébé a attrapé cette variole".

L’OMS ne dit pas autre chose : "Toute personne qui a un contact physique étroit avec tout type d’autre personne qui a contracté la variole du singe est à risque, quelle que soit son identité, ses activités, les personnes avec lesquelles elle choisit d’avoir des relations sexuelles ou tout autre facteur."

Plus de dépistage

Pourquoi, alors, parle-t-on autant de la communauté gay ? "En Belgique, on parle plus des cas dans les milieux HSH (hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes), parce que les premiers cas identifiés sont liés au festival Darklands à Anvers (festival de mode fétichiste, ndlr). L’organisation du festival a communiqué là-dessus ", explique Stephen Barris, coordinateur de Exaequo, partenaire santé des hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes.

Mais Stephen Barris voit surtout une autre explication : les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes ont plus l’habitude de se faire dépister. "Selon une étude française, entre le moment où une personne homosexuelle est contaminée par le VIH et le moment où il se fait tester, il y a deux ans et 8 mois, alors que chez les hétérosexuels ce délai est de 4 ans et demi." Il est donc logique que les cas présents au sein d’une communauté homosexuelle soient plus vite détectés.

Par ailleurs, il est aussi possible qu’il y ait eu des clusters épidémiques à un endroit donné, comme au festival de Parklands, ajoute le docteur Goffard.

Campagne ciblée

Le Risk Assessment Group (experts scientifiques qui analysent le risque pour la population en cas de menace pour la santé publique) a pourtant décidé qu’il y avait lieu de lancer une campagne de sensibilisation à destination des hommes ayant des relations avec d’autres hommes, et des personnes ayant plusieurs partenaires sexuels. "C’est important que les campagnes soient ciblées, reconnaît Jean François Cannoot, coordinateur général de la Rainbowhouse Brussels, mais le risque c’est que la population identifie les cibles comme source ou vecteur de propagation. Il faut vraiment faire de la pédagogie en parallèle."

Selon Jean-Christophe Goffard, il n’est pas non plus exclu que les autorités décident de vacciner prioritairement contre la variole les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. "Cela ne voudrait pas dire qu’on stigmatise cette population mais bien qu’on détermine une priorité là où il y a une épidémie un peu concentrée pour le moment pour essayer d’éviter un maximum de cas, tout en étant conscient qu’on aura aussi des cas chez des enfants et des hétéros."

Patient zéro

Le risque de contracter la variole du singe concerne toute personne qui aurait eu un contact étroit avec une personne infectée (ou un tissu contaminé), on le répète. Il n’empêche, Patrick Charlier, le directeur d’Unia (le centre interfédéral pour l’égalité des chances), s’attend à recevoir des signalements dénonçant la stigmatisation d’hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes ou de personnes d’origine africaine. "Au début de la pandémie de Covid-19", se rappelle Patrick Charlier, "on a pu rapporter des cas d’asiaphobie. On a recueilli des témoignages de personnes injuriées, insultées, stigmatisées parce qu’elles étaient d’origine asiatique et qu’on parlait du 'virus chinois' à l’époque. Très régulièrement des faits d’actualité ont un impact sur les discours qu’on a sur certaines personnes."

L’histoire se répète, en quelque sorte. "Souvenez-vous du patient zéro. Au début du Covid-19", rappelle l’infectiologue Jean Christophe Goffard, "on avait désigné ce pauvre gars qui revenait de Wuhan et dont on disait qu’il avait décimé l’ensemble de la population italienne ou presque. Pour le VIH, on avait désigné un steward qui aurait importé le virus aux Etats-Unis. Tout ça est totalement faux d’un point de vue moléculaire. Le problème, c’est que ça a des conséquences catastrophiques à long terme, avec la stigmatisation d’une population qui non seulement peut être victime de violence mais qui, en plus, du coup, peut essayer de se cacher pour ne pas être dépistée."

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