Religion

Vatican : comment l’Eglise catholique évoluera-t-elle après le décès de Benoît XVI ?

Photo prise au Vatican ce 4 janvier 2023

© Tiziana FABI / AFP

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Par Valérie Dupont, correspondante en Italie

Le décès du Pape émérite pourrait permettre au Pape François de poursuivre de manière plus libre les réformes entamées, même si l’aile ultra-conservatrice de l’Eglise Catholique pourrait durcir son opposition.

"Vere Papà mortuus est, en vérité le Pape est mort", c’est la phrase en latin que le Cardinal camerlingue prononce depuis des siècles lors du décès du Pape. Des mots qui certifient que le siège de Rome est à nouveau vacant et qu’un conclave va se tenir dans les prochains jours.

Mais avec Benoît XVI, rien de tout cela. Pas de camerlingue, pas de conclave, pas de nouveau Pape, et pourtant ce décès pourrait avoir un impact sur le pontificat de François. 

Depuis 2013, la cohabitation entre les deux hommes fut plus que cordiale mais pas privée de dissensions. Souvent contre son gré, les paroles et les textes de Benoît XVI furent instrumentalisés. "Parmi ceux qui, plus ou moins de manière abusive, se sont inspirés de lui pour s’opposer à François, la mort de Josef Ratzinger pourrait causer deux effets opposés" explique un prélat anonyme qui fréquente les couloirs du Vatican, "soit le décès va pacifier la situation, ce qui est peu probable, ou alors provoquer une forte instabilité au Vatican et dans l’Eglise universelle !".

Malgré la vie discrète du Pape émérite, pendant dix ans, les ultra-conservateurs ont tout fait pour mettre dos à dos le Pape Benoit et le Pape François. Le garant de l’Eglise traditionnelle contre le dangereux réformateur. "Il a tout fait pour s’opposer à cette instrumentalisation" affirme le Cardinal Kurt Koch, un proche de Benoit XVI, "je sais que certaines de ces personnes ont demandé à lui parler, mais il a été très ferme, en répondant François est le Pape, donc on se tait !".

Les ultra-conservateurs américains

Dans la longue file qui attend pour se recueillir devant la dépouille du Pape Benoit XVI, les prêtres et religieux sont nombreux, beaucoup font partie de ce qu’on appelle les "ultra-conservateurs". "Ce fut un pape incroyable, un vrai Saint, un vrai protecteur de la liturgie, bien plus qu’un Pape de transition entre Jean-Paul II et François, un pape à part entière" affirme ce prêtre traditionaliste américain arrivé du Minnesota en soutane, "ses funérailles seront immenses, les gens vont arriver de partout !".

Ceux qui n’ont jamais digéré le pontificat de Bergoglio s’organisent

Depuis le conclave de 2013, une frange de catholiques nostalgiques du passé, principalement aux Etats-Unis, a tout fait pour s’opposer aux réformes voulues par le Pape argentin. "Ceux qui n’ont jamais digéré le pontificat de Bergoglio s’organisent" écrit Gian Guido Vecchi, sur le Corriere della Sera, "ce n’est pas un mystère que beaucoup à Rome pensent déjà au prochain conclave" car si François est bien assis sur le trône de Saint Pierre, les courants conservateurs trament déjà en coulisses.

Benoît XVI, dans son silence respectueux, représentait finalement un exemple pour cette frange qui pourrait à présent s’opposer de manière plus évidente au pontife en place notamment à l’approche du synode prévu en octobre 2023, une réflexion sur le rôle de l’Eglise dans la société voulue par le Pape François.

Les progressistes allemands

Favorables à la bénédiction des couples homosexuels, au mariage des prêtres, ou à un plus grand rôle des femmes dans la liturgie, les catholiques progressistes très actifs en Allemagne, pourraient eux aussi profiter du décès de Benoît XVI. Le premier pape allemand de l’histoire fut loin d’être leur chef de file, mais sa présence au Vatican fut sans doute un frein contre l’accélération de certaines réformes fortement voulues dans les pays du Nord de l’Europe. 

"Il n’était pas compris en Europe, surtout dans les pays alémaniques" confirme le Cardinal Koch, "mais il était très apprécié en Italie et dans d’autres continents. Car c’était un théologien moderne, notamment sur la séparation entre l’Eglise et l’Etat laïc".

Plus libre pour réformer l’Eglise où coincé entre deux franges qui vont durement s’opposer ; avec la mort de son prédécesseur, le Pape François écrit la dernière page de son pontificat.

"Il sera plus libre car la présence au Vatican du Pape émérite fut parfois encombrante" estime Francesco Grana, vaticaniste du journal Il Fatto Quotidiano, "mais après le deuil et les prières, s’ouvrira la période de contestation, on a déjà entendu les Cardinaux contestataires proposer de faire de Benoît XVI un docteur de l’Eglise, donc ils veulent le canoniser avant même les funérailles, c’est clairement un geste politique contre François ! Et de l’autre côté les progressistes vont aussi faire pression, ce ne sera pas facile."

Sur le même thème : Extrait JT (03/01/2023)

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