La paraskevidékatriaphobie, c’est la peur du vendredi treize… Qui a un impact réel sur la société. Un économiste américain a relevé l’impact économique d’un vendredi treize : il y a bien, ce jour-là, une baisse de la consommation, car certaines personnes ne sortent plus de chez elles. Le célèbre auteur de roman d’horreur Stephen King, par exemple : ça l’empêche de lire les pages treize des livres. Chez nous, il y a certains hôtels aussi qui ne proposent pas de chambre treize, des immeubles qui n’ont pas de 13 ᵉ étage. Pourquoi, Geneviève Lacroix, avons-nous justement des superstitions ? Pour le vendredi treize, mais aussi plus globalement.
"Dans ce mot très complexe qu’est paraskevidékatriaphobie, il y a le mot "phobie". Donc là, on parle véritablement d’une peur qui n’est liée à rien de concret, qui est irrépressible, irrationnelle, qui peut être vécue de manière terriblement paralysante par certaines personnes. Et donc, bien sûr, le marché anticipe en n’ayant pas d’appartement treize ou d’étage numéro treize pour ne pas perdre ce potentiel de marché. D’autres personnes se portent parfaitement bien par rapport à ça, parce qu’on est dans l’irrationnel. Et ça, c’est peut-être typiquement humain."
Seuls les humains ont absolument besoin de mettre du récit symbolique sur tout ce qui arrive, alors que c’est parfois strictement factuel
"Nous savons que les animaux sont capables d’énormément de comportements très complexes en termes de pensée, comme prévoir, calculer, mentir, tricher, faire des projets, vivre des deuils. Mais vraisemblablement, en tout cas à ce jour, les neurobiologistes, les psychiatres et les psychologues en arrivent à cette conclusion pour le moment, que seuls les humains ont absolument besoin de mettre du récit symbolique sur tout ce qui arrive, alors que c’est parfois strictement factuel. Et donc, si on cherche des confirmations dans une vie tout à fait normale, dans une journée normale, du fait que le vendredi treize porte-bonheur ou porte-malheur, on trouvera. Ce qui renforce aussi cette irrationalité des phobies ou cette espèce d’euphorie du vendredi treize qui, à l’inverse, serait porte-bonheur."
"Parce que finalement, la journée se déroule peut-être tout à fait normalement, mais on a un éveil, une attention particulière à tout ce qui peut arriver de positif ou de négatif. Mais ça n’a évidemment rien qui soit lié à l’histoire personnelle de quelqu’un. Ce n’est pas la peur d’un accident en termes de réminiscence. C’est vraiment de l’ordre de l’irrationnel. Et toujours aussi cette petite peur d’un mauvais œil, qui plane, qui saurait tout, qui surveillerait les gens et donc se terrer pour éviter tous les risques ou au contraire se sentir porté et affronter tous les risques. Et évidemment, il y a tout un marché aussi, les gens qui n’ont pas peur du vendredi treize et qui en font une valeur positive. On est devant quelque chose de très conséquent en matière de comportement, en matière de marché, mais profondément insaisissable."