Belgique

Vente de protoxyde d’azote interdite aux mineurs : la loi votée l’an dernier entre en vigueur

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Par Isabelle Palmitessa

Une loi entre en vigueur cette semaine. Elle concerne la vente de protoxyde d’azote. Ce gaz est principalement utilisé en cuisine, sous forme de petites cartouches pour siphon à chantilly. Ce n’est bien sûr pas cet usage-là qui pose problème mais bien la consommation du protoxyde d’azote comme gaz hilarant.

Désormais, sa vente est interdite aux moins de 18 ans, que ce soit en vente directe ou en ligne. Par ailleurs, les fabricants sont tenus d’apposer sur chaque contenant un avertissement sur la dangerosité du produit.

La loi réglementant la vente de ce produit a été votée l’an dernier mais le législateur a laissé un an aux producteurs et aux distributeurs pour s’adapter.

Dans de nombreuses villes belges, les règlements de police prévoient des sanctions en cas de détention et/ou d’utilisation détournée du protoxyde d’azote. C’est le cas à Bruxelles-Capitale, à Charleroi, Liège, Mons, Tournai…

La consommation de gaz hilarant entraîne des problèmes en matière de sécurité routière, elle cause des accidents divers mais aussi, en cas de surconsommation, des troubles neurologiques.

L’usage de cette drogue bon marché et facilement accessible semble être en augmentation dans notre pays, en particulier chez les adolescents et les jeunes adultes.

Qui ? Combien ? Quand ? Peu d’enquêtes en Belgique

Pour savoir où en est la Belgique francophone en matière de consommation de gaz hilarant, nous avons consulté l’asbl Eurotox, Observatoire socio-épidémiologique alcool-drogues en Wallonie et à Bruxelles. Dans un récent article, Eurotox confirme l’augmentation croissante de la consommation de protoxyde d’azote depuis 4 ans, en Belgique comme dans les pays voisins. L’usage ne se limite pas aux lieux festifs. L’asbl note cependant le manque de données récentes disponibles : "les seules données représentatives à disposition proviennent de l’enquête HBSC 2018. Selon cette enquête, environ 3% des élèves scolarisés dans l’enseignement secondaire supérieur (2e et 3e degrés) en Wallonie ou à Bruxelles ont déjà consommé du protoxyde d’azote au moins une fois dans leur vie".

L’usage augmenterait avec l’âge : "Une enquête réalisée en 2019 par UCLouvain auprès de plus de 4000 étudiants montre que l’usage de ce produit semble un peu plus répandu chez les jeunes adultes que chez les jeunes du secondaire, dans la mesure où 4,65% étudiants interrogés ont déclaré en avoir consommé au moins une fois au cours des douze derniers mois".

Mais Eurotox cite une autre enquête, plus récente et assez interpellante : "Une enquête en ligne de l’ULB menée en 2021 par des étudiants, sous la supervision d’Eurotox, a permis de sonder un échantillon de 38 utilisateurs de protoxyde d’azote. Ils ont déclaré avoir le plus souvent consommé ce produit en soirée (71%) ou chez des amis (31,6%), et plus rarement dans l’espace public (15,9%) ou à la maison (2,6%). Ce produit est rarement consommé seul (7,9%). Il est généralement consommé de manière occasionnelle (1 à quelques fois par an ; 92,1%)".

Les ballons, ingrédients de la fête et des soirées privées

En discutant avec des jeunes qui ont l’habitude de fréquenter les milieux festifs, la tendance exprimée par ce dernier sondage se confirme : un jeune adolescent bruxellois nous déclare : "à Bruxelles, il y a peu de fêtes sans ballons. Ce sont surtout des jeunes entre 16 et 15 ans qui utilisent ça". Une jeune adulte montoise raconte que ces ballons gonflés au protoxyde d’azote sont vendus pour un euro pièce : "mais parfois, quelques personnes se cotisent pour acheter une bonbonne qui sera partagée pendant la soirée".

A Bruxelles, il y a peu de fêtes sans ballons

Ce sont en effet des bonbonnes de 5 à 50 litres qui sont souvent utilisées pour remplacer les petites cartouches pour siphon alimentaire. Cela permet de consommer un grand nombre de ballons sur une soirée, l’effet "hilarant" étant très court. "On rigole d’une à trois minutes" raconte notre jeune témoin. "Certains peuvent prendre 5 ou 10 ballons sur la soirée mais pour d’autres, c’est 50-70", explique-t-il.

Dr Nicolas Gaspard, neurologue – Hôpital Erasme
Dr Nicolas Gaspard, neurologue – Hôpital Erasme © RTBF

Le risque de paralysie

Les jeunes que nous avons rencontrés se méfient des risques. Ils parlent de l’effet de redescente qui fait se sentir mal après avoir respiré beaucoup de gaz hilarant, en particulier en combinaison avec de l’alcool ou d’autres drogues. Ils ont également tous entendu de parler des risques de paralysie. Une information qui leur parvient par les réseaux sociaux.

A l’hôpital Erasme à Bruxelles, le Dr Nicolas Gaspard, neurologue, confirme ce risque. Chaque année, il reçoit quelques consommateurs réguliers de protoxyde d’azote qui présentent des troubles du système nerveux : "le protoxyde d’azote est toxique parce qu’il va perturber la synthèse de molécules qui sont importantes pour le système nerveux, et en particulier, des régions du système nerveux qui sont importantes pour la sensibilité. Après avoir consommé de manière récurrente, les patients vont présenter des symptômes de type picotements dans les mains, perte de sensibilité au niveau des pieds et troubles de l’équilibre".

Bonbonnes saisies à Bruxelles en juin 2021
Bonbonnes saisies à Bruxelles en juin 2021 © Police Zone Bruxelles-Ouest

Trafic de bonbonnes

Le produit est en vente légale mais il fait aussi l’objet de trafics.
En juin dernier, la police de la zone Bruxelles-Ouest a saisi une soixantaine de bonbonnes de protoxyde d’azote.
Début janvier, la police française a trouvé dans un hangar de la région parisienne, 7 tonnes de ce produit, en provenance des Pays-Bas et conditionné en Belgique.

>> Voir ici le reportage du Journal télévisé du 20 février :

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