Qui sont les Moudjahidines du peuple iranien ?
Autrefois classée parmi les organisations terroristes par les Etats-Unis, le Canada et l’Union européenne, l’Organisation des Moudjahidines du peuple iranien est un groupe d’opposition en exil, bien déterminé à renverser le régime islamique. Très actif à travers le monde.
Mais son passé divise. Mouvement d’opposition au Chah puis à Khomeini. Contrainte à l’exil, pendant la guerre Iran-Irak (1980-88), l’OMPI a trouvé refuge, argent, soutien et armes auprès de Saddam Hussein pour lequel les Moudjahidin ont créé une véritable armée - l’Armée de libération nationale (ALN) - qui a servi lors d’offensives irakiennes en territoire iranien, mais aussi en Irak, contre les soulèvements kurde et chiite en 1991.
Aujourd’hui, les militants de l’OPMI affirment avoir déposé les armes et travailler au renversement du régime islamique par des moyens pacifiques.
Un trésor de guerre aux origines troubles
"C’est un des mouvements les mieux organisés, avec un trésor de guerre aux origines troubles qui permet de financer des événements d’une telle ampleur", explique Majid Golpour, chercheur associé Centre interdisciplinaire d’étude des religions et de la laïcité à l’ULB.
"Ils ont eu l’intelligence de faire fructifier l’argent qu’ils ont obtenu de l’Irak de Saddam Hussein ou des Etats-Unis", renchérit Mahnaz Shirali, politologue, spécialiste de l’Iran à Sciences Po’ Paris. "Ils ont investi dans l’immobilier, dans la bourse…Ils ont beaucoup de moyens financiers pour lutter contre la République Islamique. Cela compense le fait qu'ils ne sont pas nombreux dans le monde, pas plus de 3000 à travers le monde".
"Les intervenants sont souvent rémunérés", ajoute Majid Golpour "comme l’ont été le conseiller à la sécurité nationale, John Bolton et l’avocat personnel du président, Rudy Giuliani".
Guy Verhofstadt est rémunéré pour ses interventions aux sommets du CNRI
Interrogés sur ces rémunérations, les organisateurs démentent. En revanche, Guy Verhofstadt confirme qu’il a été sollicité par Speakers Associates pour participer aux sommets du CNRI, en échange d’une rémunération qui devrait dépasser les 5000 euros par an. Des 'activités occasionnelles’ telles qu’elles sont indiquées dans la déclaration d’intérêts financiers des députés européens.
"Comme tous les mouvements, les Moudjahidines du peuple ont le droit démocratique de promouvoir leurs idées", analyse Majid Golpour. "Mais ce mouvement est fermé au débat d’idées et aux critiques. Il n’est réservé qu’aux Moudjahidines avec une vision assez rigoriste de l’Islam. Je ne pense pas que ce mouvement prône réellement la liberté et la démocratie en Iran".
"Les Moudjahidines du peuple ont mis en place une structure totalitaire, holiste", renchérit Mahnaz Shirali. "L'individu n'existe pas. Il est effacé dans les hiérarchies. Dans ces conditions, comment peut-on parler de démocratie ?"
Les Moudjahidines n’ont pas le monopole de ces revendications
"La participation de ces dirigeants politiques à ces sommets du CNRI pose un problème", observe encore Majid Golpour. "D’une part, elle donne l’idée que Washington, derrière Mike Pompeo, est en faveur de cette opposition et pas d’une autre. De nombreux élus américains voient en elle une alternative au régime en place. C’est non démocratique". De fait, les détracteurs de l’OMPI s’inquiètent de son poids croissant dans les couloirs du pouvoir à Washington.
"Ensuite" ajoute Majid Golpour, "les Moudjahidines n’ont pas le monopole de ces revendications, pour traduire en justice Ebrahim Raïssi. Des avocats sont investis dans des batailles juridiques, des membres de la société civile iranienne ont adressé des lettres à la Commission des droits de l’Homme des Nations-Unies. De nombreux opposants iraniens ne se reconnaissent pas dans les Moudjahidines".
Les détracteurs des Moudjahidines donnent peu de chances à l’OMPI de remporter l’adhésion en Iran, notamment pour avoir pris le parti du régime de Saddam Hussein pendant la guerre Iran-Irak. "Ils n'ont pas d'assise populaire en Iran, encore moins auprès des jeunes", estime Mahnaz Shirali.