Avec l’aide de l’équipe psychoéducative de la maison maternelle, d’un suivi psy extérieur aussi, Malika s’est peu à peu redressée. La jeune femme vit désormais dans un appartement indépendant et supervisé, à proximité de la maison où elle retourne très régulièrement. Il y a peu de temps, elle aurait quitté cette structure du jour au lendemain, sans transition et sans avoir pu mettre en place d’autres habitudes que celles qu’elle connaissait antérieurement.
" L’objectif de ce projet que nous avons récemment mis en place, c’est de leur permettre de vivre en appartement supervisé avec un suivi de notre équipe afin qu’elles puissent tester leur autonomie et leurs capacités tout en étant sécurisées" précise Françoise Jacques.
Un passage d’autant plus nécessaire que les victimes de violences conjugales sont susceptibles de reproduire le même système que celui qu’elles ont connu en couple si elles n’ont pas eu l’occasion d’en expérimenter un autre fiable, au préalable.
N’empêche. Humiliées, rabaissées, la plupart de ces femmes se sont petit à petit désintégrées jusqu’à n’être plus que l’ombre d’elles -même. Alors sauter dans le vide, s’assumer seules, cela ne va pas forcément de soi, a fortiori à 54 ans. Solange n'en est pas à son premier séjour dans l’institution. Cette fois-ci, elle a été victime de violences psychologiques de la part de son compagnon : interdiction de se maquiller, de regarder la télévision, de dormir dans le lit conjugal. Dans un mois, elle quittera le cocon institutionnel pour retourner dans le monde et ce grand saut la remplit d’appréhensions.
"Oui, j’ai trouvé un logement mais je me pose encore beaucoup de questions. Est-ce que je vais savoir assumer financièrement, est-ce que je suis prête pour partir, est-ce que ce n’est pas trop tôt ? J’ai peur. Je vous jure, j’ai peur de tout." dit-elle d’une voix peu assurée.
Vivre de manière autonome donc, mais pas sans garde-fous. Pour éviter les récidives, des filets de sécurité ont été mis en place explique l’assistante sociale qui la suit. Quand Solange vivra seule, elle devra donner de ses nouvelles à la maison maternelle chaque semaine et un scénario a été établi au préalable avec le voisinage. Au cas où son ex-conjoint chercherait à l’approcher, elle sait qu’elle pourra déposer une peluche sur l’appui de fenêtre pour avertir qu’elle est en danger ou faire semblant de ne pas savoir payer ses courses chez l’épicier du quartier qui comprendra le sens de ce geste. Stratagèmes indispensables.