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Violences dans la capitale : il faut "revoir plus de policiers en rue" plaide Jean Spinette, bourgmestre de Saint-Gilles (PS)

L'invité: Jean SPINETTE, bourgmestre de Saint-Gilles

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Hier soir, trois attaques au couteau ont eu lieu dans la capitale. A Anderlecht, Molenbeek et Saint-Gilles. Une violence qui a fait deux morts et deux blessés. Ces agressions ont lieu dans un contexte tendu dans la région bruxelloise : émeutes dans le quartier Lemonnier après le match Belgique-Maroc, le drame de Thomas Montjoie à Schaerbeek, manifestation des policiers ce lundi… Constate-t-on une recrudescence de la violence à Bruxelles ? Comment l’expliquer ? Comment y répondre ? Jean Spinette, le bourgmestre de Saint-Gilles, était au micro de Thomas Gadisseux et de François Heureux ce mardi matin.

Fait "absurde"

Tout d’abord sur le fait de violence d’hier soir. Il a eu lieu place Bethléem, à Saint-Gilles. Vers 18h20, un homme assène un coup de couteau à une personne. "Un événement malheureux, un désaccord entre deux personnes". L’enquête est en cours, mais le maïeur de Saint-Gilles de qualifier le drame d'"absurde". Ce serait un jeune qui aurait lancé un pétard et un autre, saisi par le bruit, qui l’aurait attaqué au couteau.

Les différents faits qui se sont joués dans la capitale ne sont pas liés, confirme le socialiste. Pas de qualification comme actes terroristes non plus. Par contre, le parquet évoque d’ores et déjà le milieu criminel pour les faits ayant eu lieu à Saint-Gilles. Est pointé du doigt, le milieu de la drogue.

Le lieu des faits est un "endroit – sympathique — qui connaît du deal de rue depuis plusieurs mois". Un commerce "qui inquiète particulièrement le quartier" précise Jean Spinette. "Il y a une recrudescence de ce deal de rue qui est alimenté par le trafic international".

 

Deal de rue et port d’Anvers

Allons un peu plus loin… Ce trafic est touché inévitablement par les opérations policières en cours depuis plusieurs mois dans le milieu de la drogue en Belgique, et notamment au port d’Anvers. Les saisies y sont énormes. Ce qui voudrait dire que le marché est vaste. Jean Spinette le remarque aussi à Saint-Gilles, les services de police ont fait des liens entre des arrestations ayant eu lieu dans sa commune et le milieu anversois.

"Nous sommes dans un deal de rue qui alimente tous les publics. Nous sommes dans une question sociétale beaucoup plus large" constate le récent successeur de Charles Picqué.

"Revoir des bleus en rue"

Comment agir face à ce phénomène ? Pour Jean Spinette, cela passe notamment par la police. Plus d’effectif est une des clés, évidemment. Cela signifierait plus de présence sur le terrain, plus de devoirs d’enquête menés avec la police fédérale… Un désir chez l’élu de "revoir plus de policiers en rue, qui font des patrouilles et qui puissent avoir le temps de la proximité et de la cohésion sociale".

(Les policiers) ne sont pas toujours appréciés à la hauteur de la qualité de leur service

Les policiers demandent des renforts pour mener à bien la lutte contre le trafic de stupéfiants, insiste l’élu. Une question de société aussi : "l’argent qui est derrière (le trafic de drogue) vient vraiment porter atteinte à la cohésion sociale dans nos quartiers". Un cancer qui payerait une somme de 100 euros net par jour pour être observateur, et où "certains jeunes se laissent tenter par cette aventure alors qu’elle est mortifère". Etre sur le terrain est donc primordial pour lui afin de "démanteler les filières en amont, ce qui nous permettra de mener aussi une lutte sur le terrain. Tant qu’il y aura les filières derrière, c’est un mythe de Sisyphe… On est toujours à recommencer le même travail", explique-t-il.

Extrait de notre 19h30 de ce lundi :

Soutien à la police

Plus de policiers. Une demande semblable à celle dont ont fait part plusieurs bourgmestres, mais qui va aussi dans le sens des revendications des policiers qui ont manifesté hier dans les rues de Bruxelles. Jean Spinette dit comprendre leur difficulté à accéder au terrain et à se faire accepter par la population jeune pour pouvoir travailler avec elle. "Ils ne sont pas toujours appréciés à la hauteur de la qualité de leur service" souligne le bourgmestre qui ajoute, en parlant des habitants du quartier de la place Bethléem que "les gens ont besoin de leur soutien".

Des zones de police qui ont "besoin de renforts". Et notamment celle dont fait partie Saint-Gilles. Deux stades de foot, une gare internationale (Bruxelles-Midi), une prison souvent en grève… Le bourgmestre fait part néanmoins de la "solidarité", d’une "vraie coordination" entre zones de police, ce qui favorise un bon travail d’équipe.

Misère sociale

Des événements d’hier soir qui résonnent aussi évidemment avec les échauffourées bruxelloises de dimanche. Qui sont les fauteurs de troubles ? Et comment les nommer ? Jean Spinette ne tourne pas autour du pot : les actes sont "inadmissibles". "Une expression intolérable condamnée unanimement. Y compris dans les quartiers".

Mais cependant, pour lui, désigner les trublions comme des "crapules" (selon les mots de Philippe Close, le bourgmestre de Bruxelles-Ville) n’est pas adéquat. "Nous avons des jeunes gens qui expriment une colère. Ils l’expriment de façon complètement inadéquate. Ils jettent le discrédit sur leurs quartiers". Pour lui, ce sont "des jeunes qui partent en vrille et qui doivent être recadrés". Il faut donc travailler sur ce mal-être de "manière ferme. Avec un travail de police et de mise de cadre".

Ils l’expriment de façon complètement inadéquate

Jean Spinette parle donc de malaise social et de "colère". "Des gens qui ont à faire face à des factures importantes… Une fois que vous avez payé le loyer, le gaz et l’électricité, ben vous tirez la prise au centre-ville… Evidemment, les activités ne sont pas nombreuses. Les quartiers connaissent un taux de chômage endémique. Les gens sont dans une certaine inquiétude". Il s’agit donc pour lui d’un "travail au quotidien" pour faire face à ce qu’il qualifie de "misère". Celle-ci est aussi visible dans les problèmes d’alcoolisme, de drogue (et donc de santé mentale), la recrudescence de demandes pour des aides d’urgence, des aides alimentaires… dans la crise de l’accueil qui touche la capitale en ce moment aussi. Concernant cette dernière, le Saint-Gillois en appelle d’ailleurs à une solidarité et un "plan de répartition" entre villes et communes du Royaume. "Evidemment, le centre-ville est souvent le réceptacle de personnes qui cherchent de l’accueil, de la solidarité et des services".

On est confronté à une misère qui arrive des quatre coins du monde

Reportage dans le JT de ce lundi :

Une misère dont l’agglomération bruxelloise est "la première ligne". Et qui se doit donc d’assurer des missions. Mais avec quels moyens ? "Nous avons besoin de soutien, là" exprime directement le socialiste. Renforcer les moyens et l’encadrement dans les CPAS, refinancement de la Sécu sociale…

Jean Spinette constate un malaise grandissant dans la société.

Plus que jamais les gens sont demandeurs d’un service public, de communes, de CPAS pour les aider

Communes en déficit

Mais le socialiste de déplorer : "Alors qu’on a de plus en plus besoin de nous (les pouvoirs locaux), nous manquons de soutien". CPAS, corps de police, assistance sociale sont donc pour le maïeur, plus que nécessaires. Des budgets sur lesquels le socialiste ne veut pas rogner. "Or, la pression aujourd’hui tend à vouloir baisser ces services publics, baisser notre niveau. Alors qu’on a jamais eu autant besoin de nous" martèle le maïeur de Saint-Gilles.

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