Les résidences d’artistes, le nouveau filon des galeries d’art
Exposition
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C’est une galerie virtuelle… On y accède en quelques clics. Depuis 10 ans, Google Arts & Culture a bien grandi. Désormais on peut y admirer 7 millions d’œuvres d’art issues de plus de 1.000 musées.
"C'est un faux musée rempli de copies!". Voilà ce que pense Pierre Olivier Rolin de Google Arts & Culture. Il est le patron du musée BPS22 de Charleroi. "C’est une illusion complète, fondamentalement ce n’est pas le musée qu’on visite, c’est Google", tranche-t-il.
"Il y a une facilité d’accès et une force de séduction des images produites par Google, dont les qualités de reproduction ne sont pas toujours exceptionnelles. On n’hésite pas à déformer l’œuvre originale pour avoir quelque chose qui correspond mieux à l’esthétique smartphone, c’est-à-dire des couleurs saturées, et un éclat lumineux. Donc il y a effectivement une déformation et qu’il y a une illusion"
Pour ce directeur de musée c’est évident, on ne visite pas un musée virtuellement, pour lui c’est une expérience corporelle, physique! "On n’est pas des êtres virtuels, on est charnels. C’est tout le corps qui est mobilisé, qui va se déplacer, qui va éprouver les œuvres ou l’architecture du musée, ce que la visite virtuelle élimine complètement. Je pense par exemple qu’une œuvre de Jackson Pollock, lorsqu’on la voit en reproduction, on ne sent pas toute la sensibilité matiériste qu’elle a, par exemple, et qui moi m’a fascinée quand je l’ai vue pour la première fois en vrai"
Michel Draguet, le directeur des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, a tout de suite embrayé lorsque Google l’a contacté. Le musée a d’emblée numérisé toute l’œuvre de Breughel : "C’est une autre manière d’écrire de l’Histoire de l’Art. Ca va permettre une diffusion du patrimoine à travers la planète, en deux clics. Notre expérience permet d'en comprendre davantage. Par exemple, par rapport à Breughel, et notamment la Chute des Anges Rebelles, un tableau qui est très, très compliqué, qui fait des allusions à la Genèse et à l’Apocalypse, mais qui fait aussi référence aux guerres de religions et aux tensions religieuses qui arrivent, tout en ayant aussi des allusions à la découverte du Nouveau Monde, le visiteur Lambda, il ne voit pas tout ça"
Les musées royaux des Beaux-Arts ont donc embarqué dans l’aventure des giga-pixels.
Karine Lasaracina est la responsable de l’atelier de numérisation des collections des beaux-arts. Et elle voit dans cette technologie pixellisée un certain nombre de vertus : "C’est une multitude d’images qui sont assemblées entre elles. C’est un zoom presque infini jusqu’aux plus fins secrets d’une œuvre d’art. Regarder une œuvre via une image giga-pixel, c’est la découvrir sous un certain angle. On attire votre regard vers certains détails et vers des points de tension par rapport au génie de l’artiste, par rapport à l’excellence de sa technique"
Plonger dans l’épaisseur d’un trait, au cœur du génie d’un coup de pinceau, voilà l’ambition des galeries d’art virtuelles.
Mais tout cela n’est-il pas finalement une caverne de Platon où est projetée contre un mur une image qui n’est pas la réalité ?
"L’image est belle car ça nous renvoie à l’image d’un des mythes fondateurs de nos démocraties occidentales, sur l’illusion et la tromperie d’une représentation", déclare Pierre Olivier Rollin du BPS22 à Charleroi. "En tout cas ils vont créer une toile entre les visiteurs et les œuvres et en même temps ils vont en contrôler l’accès. Et il est clair que si on laisse aux GAFAM l’exclusivité de l’accès digital aux œuvres, là on risque à terme, que les visites même virtuelles soient monnayables, et que l’argent revienne essentiellement aux Big Datas"
C’est précisément pour éviter ce risque que les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique digitalisent eux-mêmes leurs œuvres et les accompagnent d’éléments d’explication.
"Je crois que considérer que le virtuel, avec l’image digitale, est un écran entre le réel et l’individu, et que finalement nous allons tuer les musées avec ça, c’est faux", tranche Michel Draguet. "Je crois au contraire qu’il y a l’intelligence de l’humanité qui produit de nouveaux outils. Il y a deux choses à faire avec ces nouveaux outils : il faut les exploiter et il faut s’éduquer à les dominer et pas à être dominé par eux. C’est une machine qui ouvre l’esprit. Donc, elle est bonne à prendre".
Mais alors que dire de l’émotion réelle qui envahit le visiteur quand il est face à une œuvre d’art, à son épaisseur, à sa texture, à sa beauté, sa densité ? Cette émotion qu’une image numérique ne pourra jamais offrir.
"Quand on sent l’émotion arriver, monter, par rapport à une œuvre d’art, ça donne la chair de poule", concède Karine Lasaracina. "C’est tout un ensemble de sensations qui ne surviennent qu’au contact de la lumière que peut dégager un tableau. Ce genre de sensation n’est déclenchée qu’au contact de l’œuvre d’art elle-même. Dans le monde réel, lors de la visite au musée, on expérimente donc autre chose".
Google propose en tout cas une nouvelle façon d’écrire l’Histoire de l’Art. Les grands musées sont embarqués pour permettre aussi à tout un chacun de jeter un œil sur leurs collections et découvrir et accéder intelligemment à des musées à l’autre bout du monde. Pour autant qu’on ait un ordinateur et l’électricité, ce qui en exclut aussi une partie de l’humanité.
Les algorithmes cadenassent nos choix. Les data brokers siphonnent en permanence nos identités numériques. Les cookies nous imposent de troquer nos anonymats pour une publicité mieux ciblée. Les logiciels espions nous observent. Dans 10 ans, les géants du web, les GAFAM, auront probablement collecté à propos de chacun d’entre nous plus de 70.000 points d’information. Sans que nous en ayons forcément conscience… Pour l’instant nous laissons faire, jusque quand ? Une série sur les derniers échos du concept de vie privée réalisée par Régis De Rath, à écouter sur Auvio.
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