Ce sont des logiciels pour profiler l’électeur et mieux le cibler. Leurs noms : NationBuilder, 50+1, Knocking… Certains auraient déjà fait leurs preuves lors de précédents scrutins, il y a 5 ans. La radio RMC, en France avait révélé comment les militants du candidat à la primaire de la droite Nicolas Sarkozy, débarquaient sans crier gare chez des personnes qui avaient "liké" la page Facebook du candidat ou l'une de ses publications sur Twitter.
Ils avaient utilisé "Knocking", une application qui siphonne les "likes" sur les réseaux sociaux. A la surprise, évidemment, des personnes identifiées, localisées et auxquelles les militants rendaient visite à domicile !
Les données c’est important, vous les conservez, c’est vraiment votre butin de guerre
Croiser des données démographiques et le résultat de scrutins précédents pour estimer là où un candidat a encore des chances de gagner des voix, telles sont les ambitions des nouveaux gourous des campagnes électorales.
Les patrons de ces sociétés start-up affirment optimiser, grâce aux data, le démarchage électoral. Arthur Miller est le patron de 50+1 :
"50+1 c’est un logiciel d’analyse de l’opinion publique locale. Est-ce que vous devez plutôt parler aux jeunes, aux vieux, aux riches, aux pauvres ? Dans quel quartier vous devez aller faire vos actions de campagne, afin d’avoir le discours le plus efficace possible lors d’une campagne électorale ?", déclarait-il sur RMC.
Nicolas Baygert est docteur en sciences de l’information et de la communication :
"C’est vrai que quantité de formations politiques font usage de ces outils aujourd’hui qui permettent, de façon relativement simple d’avoir davantage d’informations sur l’électorat."
Et pour lui, les données, les datas, sont désormais le nerf de la guerre dans une campagne électorale.
"Les données c’est important, vous les conservez, c’est vraiment votre butin de guerre. Et à chaque élection évidemment, ça va vous permettre de toucher beaucoup plus facilement, beaucoup plus rapidement les possibles électeurs que vous cherchez à convaincre, encore une fois, dans cette campagne. On va tenter de fidéliser aussi un certain nombre d’utilisateurs et d’électeurs. On va leur proposer par le truchement d’un certain nombre d’activités, parfois de jeux, de questionnaires, etc. de soumettre justement, des données, des informations sur leurs goûts, sur les valeurs qu’ils recherchent, qu’ils veulent voir incarnées par leur candidat."
Du coup, les campagnes aujourd’hui sont guidées par la demande supposée de la cible plutôt que sur un programme politique clair. Le candidat a tendance à devenir un porte-parole plutôt qu’un leader d’opinion, comme le souligne Nicolas Baygert :
"En 2007, la candidate socialiste Ségolène Royal en France, avait déjà initié ce type de démarche avec une phrase qui m’avait marqué à l’époque : Mes idées sont les vôtres."
Les réseaux sociaux vont servir de caisse de résonnance. Les GAFAM arbitrent, poussent certaines publications, censurent ou ferment certains comptes. Nicolas Baygert s’interroge :
"La logique algorithmique des plateformes, que ce soit sur Facebook ou ailleurs, c’est de vous permettre une économie de pensée et de vous proposer un contenu qui vous correspond. Moi, je pose la question : est-ce que nous voulons vraiment que la Silicon Valley, notamment, ait ce rôle, aujourd’hui, de gendarme de la parole, de la pensée politique ? Et cette possibilité véritablement de circonscrire le débat démocratique ?"