Espace

Vladimir Komarov, le premier cosmonaute à mourir dans la conquête spatiale en 1967

Les cosmonautes russes Komarov et Feoktistov lors d’un vol spatial dans le Voskhod 1, le 13 octobre 1964

© Getty Images

Par Chloé Rosier

Vladimir Komarov a été le premier cosmonaute russe à mourir dans la conquête spatiale dans un accident en 1967.

On connaît tous l’histoire du premier humain dans l’espace, le cosmonaute Gagarine. On connaît aussi l’histoire des astronautes américains décédés dans la capsule de la fusée lors d’un test de simulation à Cap Canaveral en janvier 1967.

Mais on sait moins que dans la même année que le tragique accident d’Apollo 1, un cosmonaute russe est également décédé dans la course à l’espace. Il est le premier être humain a décédé dans l’espace, le 24 avril 1967.

URSS, les premiers dans la course à l’espace

Si ce sont les Américains qui ont posé les premiers un pied sur la Lune, les Soviétiques ont dominé la conquête spatiale : premier satellite en orbite (Spoutnik en 1957), premier homme dans l’espace (Iouri Gagarine en 1961).

Ils seront également les premiers à voir un des leurs mourir dans un accident spatial.

L’Union soviétique allait bientôt célébrer son 50e anniversaire et, pour l’occasion, quoi de mieux que de démontrer un peu plus leur suprématie dans la course à l’espace. Le projet était d’envoyer deux engins habités (Soyouz 1 et 2), de faire un test des procédures d’amarrage spatial, de faire sortir les cosmonautes qui rejoindraient le vaisseau de l’autre dans une EVA historique, avant de revenir sur Terre sains et saufs.

200 problèmes structurels sur les engins

Quelques mois avant cet évènement historique, les équipes responsables du projet se sont rendu compte qu’il allait être difficile de le mener à bien. En effet, l’inspection a relevé plus de 200 problèmes structurels sur les vaisseaux… Selon la BBC, une note de 10 pages expliquant l’ensemble des défauts et les risques de mort des pilotes a été rédigée.

Cependant, la note n’a jamais été délivrée au Premier ministre Leonid Brejnev, en charge des festivités du 50e anniversaire. La peur d’être tenu responsable pour cet échec et les représailles possibles ont poussé les inspecteurs à faire disparaître la note officielle.

Cosmonautes soviétiques Vladimir Mikhaïlovitch Komarov, Konstantin Petrovich Feoktistov, Boris Borisovich Yegorov, sur un timbre-poste commémoratif, Union soviétique, 1964
Cosmonautes soviétiques Vladimir Mikhaïlovitch Komarov, Konstantin Petrovich Feoktistov, Boris Borisovich Yegorov, sur un timbre-poste commémoratif, Union soviétique, 1964 © Getty Images

De plus, la pression était immense, l’URSS ayant mis en stand-by ses missions pendant deux ans afin de faire un coup d’éclat lors de l’anniversaire de la nation.

Mais le personnel au courant était trop nombreux pour que cela ne s’ébruite pas et Komarov savait les risques que cette mission représentait.

Sacrifice pour sauver son ami

Komarov n’est pas le premier venu, il est l’un des hommes les plus âgés, les plus expérimentés et les plus instruits du programme spatial russe.

Vladimir Mikhaylovich Komarov, photo de Vassili Malyshev

Pilote de chasse pendant de nombreuses années pour l’armée puis sélectionné comme l’un des premiers cosmonautes en mars 1960. Il avait été choisi comme commandant du premier vol spatial multi-hommes à bord du vaisseau spatial Voskhod 1 en 1964. Il est, à l’époque, le seul Russe à avoir effectué deux vols spatiaux. Vladimir Komarov était également un ami proche de Youri Gagarine.

Gagarine était le cosmonaute remplaçant de la mission si Komarov refusait d’y aller. La légende veut que Vladimir Komarov aurait choisi de se sacrifier pour éviter que son ami, héros populaire soviétique, ne meurt dans un accident, comme le relate interesting engineering.

Les 23 et 24 avril 1967

Le jour du lancement, le 23 avril 1967, Gagarine n’aurait pas agi selon le protocole habituel, il serait descendu sur la rampe de lancement pour parler avec Komarov. Certains pensent qu’il tentait de faire retarder suffisamment le lancement pour le faire annuler. En vain.

Soyouz 1 est lancé avec Vladimir Komarov à son bord. Les choses tournent mal rapidement lorsqu’il sort de l’atmosphère terrestre :

  • un panneau solaire ne s'est pas déployé, obligeant le vaisseau à fonctionner avec moitié moins d’énergie
  • une antenne de secours a obstrué un senseur stellaire indispensable au contrôle du vaisseau
  • les communications à haute fréquence ont cessé de fonctionner
  • les propulseurs manuels DO-1 utilisés pour orienter l’engin n'ont pas eu assez de pression pour fonctionner correctement

La mission change très vite, il n’est plus question d’amarrage et d’EVA mais bien de sauver Vladimir Komarov et de le ramener sain et sauf. D’après le Time, l’ancien Premier ministre Alexeï Kossyguine a communiqué par radio avec le cosmonaute, louant son courage et le déclarant un héros de l’Union soviétique.

Le système de navigation ne fonctionnant plus, Komarov doit attendre jusqu’à 19 orbites autour de la Terre pour se positionner comme il faut pour entrer dans l’atmosphère sans rebondir.

Juri Gagarin et son ami Vladimir Komarov à la chasse en 1967
Juri Gagarin et son ami Vladimir Komarov à la chasse en 1967 © Tous droits réservés

C’est Gagarine qui a transmis à son camarade les dernières instructions pour la descente. Il existe un enregistrement des dernières paroles de Komarov où celui-ci hurle à la mort mais de nombreux experts mettent en doute la véracité de ses documents, comme le souligne le Daily Telegraph.

La descente s’est faite beaucoup trop rapidement, le vaisseau tournait, il n’a pas supporté la chaleur de l’entrée dans l’atmosphère et les parachutes ne se sont pas déployés. Le vaisseau s’écrase au sol, rendant l’analyse des défaillances impossible.

Des funérailles à cercueil ouvert

Enterrement de Wladimir M. Komarow à Moscou
Enterrement de Wladimir M. Komarow à Moscou © Tous droits réservés

Quelques minutes après l’annonce de l’accident, le Kremlin a publié une nécrologie, d’après un article du Guardian datant de 1967, on pouvait y lire : "Nous chérirons à jamais la mémoire du fils loyal de notre patrie, merveilleux communiste, courageux explorateur de l’espace, compagnon d’armes et ami. Il sera à jamais un exemple d’héroïsme, de courage et de bravoure. Son nom convoquera la gloire de notre grand pays socialiste à de nouveaux exploits."

Des funérailles d’État ont ensuite été organisées, avec ses restes brûlés exposés dans un cercueil ouvert, comme il l’avait demandé avant de partir en mission afin de choquer les ingénieurs et les dirigeants soviétiques.

Le colonel Komarov laisse une femme et deux enfants, qui ne savaient pas, d’après le Guardian, qu’il devait faire ce vol jusqu’à ce qu’il soit déjà dans l’espace en difficulté.

© AFP

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