Votre carte d’identité peut-elle servir de carte de fidélité ? Oui mais à certaines conditions…

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De plus en plus de commerces vous proposent d’héberger votre carte de fidélité, vos tickets de caisse ou votre garantie sur votre carte d’identité électronique. C’est très simple, à chaque achat, vous introduisez votre carte d'identité dans un lecteur et des points s’accumulent, vous offrant un bon d’achat, une réduction ou un avantage quelconque pour vous remercier de votre fidélité.

En échange, les commerçants obtiennent quelques données personnelles vous concernant qu’ils copient dans leur application informatique de fidélisation. Le système est plus répandu qu’on ne croit, 6,5 millions de Belges l’utilisent déjà. Est-ce légal ? Absolument ! Mais comme il s’agit de collecte et de traitement de données, c’est évidemment réglementé.

D’accord mais il faut un consentement libre et éclairé

Comme la majorité des Belges, vous avez certainement des cartes de fidélité, et elles encombrent vos poches et portefeuille. Sauf si vous les avez transformées en cartes numériques ou stockées sur votre smartphone via une application spécialisée. Une autre solution est d’utiliser sa carte d’identité. Notre carte d’identité électronique peut effet servir de carte de fidélité dans certains commerces, elle peut aussi héberger nos tickets de caisse et certificats de garantie, ce qui pose inévitablement des questions de respect de la vie privée et des données personnelles.

En Belgique, c’est l’APD, l’Autorité de Protection des Données (l’ex-Commission de protection de la vie privée) qui est chargée de vérifier le respect des normes légales et notamment du fameux RGPD, le Règlement Général de Protection des Données. Elle résume bien les limites de l’utilisation de la carte d’identité comme carte de fidélité.

Consentement libre et alternatives

"C’est uniquement moyennant votre consentement libre, spécifique et informé que votre carte d’identité peut être utilisée à cet effet. Cela implique de vous informer clairement quant aux données collectées, aux traitements qui seront réalisés, aux finalités précises poursuivies et aux autres modalités. Une alternative à l’utilisation de votre carte d’identité électronique doit, par ailleurs, obligatoirement vous être proposée si vous ne souhaitez pas que votre carte d’identité soit utilisée à cet effet. Ce choix doit vous être offert de manière transparente et explicite dès qu’un tel système de fidélisation est proposé. 

Aurélie Waeterinckx, porte-parole de l’APD, précise bien la notion de consentement libre. " l faut que le client soit conscient de ce qu’il accepte en scannant sa carte d’identité, à savoir communiquer certaines données personnelles à une entreprise commerciale. Il faut aussi qu’il puisse refuser sans être pénalisé. Il peut dire non à l’utilisation de sa carte d’identité mais ce refus ne peut pas entraîner de conséquence négative, par exemple être privé de carte de fidélité, ce qui reviendrait à le forcer. Cela implique qu’une alternative existe comme une version papier de la carte de fidélité. "

6,5 millions de Belges sont adeptes du système, parfois sans le savoir

Une société belge s’est spécialisée dans l’utilisation des cartes d’identité comme support aux cartes de fidélité. Fondée à Nivelles il y a une dizaine d’années, Freedelity travaille avec nombreuses enseignes comme Intermarché, Trafic, Bongo, Pizza Hut, Mediamarkt, Medi Market, Déli, Broze et bien d’autres…

Sébastien Buysse est un des fondateurs. "Le but est de faciliter la vie de tout le monde. Du client qui ne doit plus posséder de multiples cartes de fidélité, avec le risque d’oubli, de perte ou de doublons, et du commerçant qui ne doit plus gérer des formulaires d’inscription, sources d’erreur, de perte de temps et d’encombrement. Les données que le commerçant obtient via la carte d’identité sont les mêmes que celles qu’il communiquerait via un formulaire écrit ou informatique, à savoir les nom, prénom, adresse, date de naissance, sexe et nationalité. On nous soupçonne parfois de jouer à Big Brother mais à tort. Nous n’avons pas accès par exemple au numéro de registre national comme c’est pourtant le cas au Portugal, en Norvège ou en Estonie. Quant à l’adresse mail et au numéro de téléphone, ils ne figurent pas sur la carte d’identité, les clients sont libres de nous les donner ou pas. Nous collectons ces données, c’est vrai, elles sont utiles pour que nos commerçants connaissent leurs clients et établissent une relation de fidélité avec eux mais nous ne croisons pas les données des différentes enseignes entre elles. Par exemple Intermarché ne saura pas qu’un de ses clients a acheté tel ou tel produit chez MediMarket. Nous n’exploitons pas non plus notre fichier pour faire du marketing direct, ce que font d’autres comme l’allemand Stocard."


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Le consentement est-il toujours très éclairé ? Le client est-il bien conscient des données qu’il communique en introduisant sa carte d’identité dans un lecteur présenté à la caisse d’un magasin ? Dans certaines enseignes, on propose d’enregistrer sur la carte d’identité le ticket de caisse qui sert aussi de certificat de garantie, histoire d’éviter de le perdre ou de le voir s’effacer avec le temps, mais on ne précise pas nécessairement que les données de la carte seront lues et ajoutées au fichier de Freedelity.

Sébastien Buysse le reconnaît "il revient à chaque magasin d’être clair, tous ne prennent peut-être pas le temps d’expliquer le système mais la procédure est établie pour que le client introduise lui-même la carte dans le lecteur, preuve d’une démarche volontaire, et notre logo figure dessus. Il peut aussi recevoir un dépliant explicatif, donc l’information est disponible. Nous avons longtemps travaillé avec l’APD pour baliser notre rayon d’action." Maintenant, les clients que nous sommes tous vont-ils lire en détail les conditions générales de tous les services auxquels nous adhérons d’un simple clic, c’est une autre affaire…

Test Achat pas très chaud

Le magazine de défense des consommateurs Test Achat s’est évidemment intéressé à l’utilisation commerciale des cartes d’identité et il en dresse les limites.

"Il arrive qu’on vous demande votre carte d’identité dans un contexte qui n’a rien à voir avec la police ou l’administration. Sachez que tout n’est pas permis. Si un hôtel ou une banque vous demandent de vous identifier via votre carte d'identité, c’est normal. Mais si un musée vous demande votre carte d’identité comme caution pour obtenir un audioguide, c’est disproportionné et il doit vous proposer une alternative. Certains commerçants vous proposent aussi de lire votre carte d’identité pour créer une carte de fidélité. Ce n’est pas à proprement interdit mais la loi dit que vous devez marquer explicitement votre accord. Dans ce cadre, n’oubliez jamais que le commerçant pourra lire les données non visibles à l’œil nu sur votre carte d'identité, par exemple votre adresse, et qu’il pourra collecter des informations pour ensuite vous envoyer de la publicité ciblée. Mais il ne pourra pas conserver ses données dans son système, ni d’ailleurs exiger votre CI pour vous accorder une carte de fidélité sans proposer d’alternative. Ce serait un abus que l’Autorité de Protection des Données a récemment condamné en infligeant une amende à un commerçant qui n’avait pas respecté ces règles."

L’APD a effectivement sanctionné en novembre 2019 un commerçant qui proposait comme seul moyen de création d’une carte de fidélité la lecture de la carte d’identité électronique. Cette exigence et l’absence d’alternative ont été jugées non conformes au RGPD. La Chambre Contentieuse estimait que " la lecture et l’utilisation de toutes les données présentes sur la carte d’identité électronique dans un cadre commercial sont des traitements de données disproportionnés au regard de l’objectif de création d’une carte de fidélité. " L’amende administrative imposée s’élevait à 10.000 €.

Sauf que le commerçant a porté l’affaire devant les tribunaux et qu’il a obtenu que cette amende soit cassée au motif qu’elle aurait dû être précédée d’une réprimande. De plus, le client ayant finalement refusé d’exhiber sa carte d’identité, le commerçant ne l’avait finalement pas lue et l’infraction n’était donc pas établie. Mais l’affaire n’est pas close puisque l’APD a introduit un recours en cassation. On en reparlera donc…

 

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JT 04/12/2012

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