À l'occasion des 250 ans du compositeur allemand, Axelle Thiry nous emmène à la rencontre du Beethoven déboutonné.
L’expression est de lui. Nous suivons ses pas pendant quelques épisodes de sa vie, où il se révèle libre, génial, drôle, d’une vitalité incandescente. Beethoven entraînait parfois des amis dans une grande randonnée. Il marchait devant, son allure était rapide. Et il leur montrait les endroits qu’il affectionnait. Aucun ne se trouvait sur les chemins fréquentés. C’étaient des sentiers de chamois. Il fallait grimper. Ses promenades menaient à des ruines, ou à des pentes qui descendaient presque à pic. Il s’amusait des frayeurs de ceux qui le suivaient, au milieu des éboulis. Quand Beethoven était d’humeur farceuse, il racontait tout ce qui lui passait par la tête. Et il disait de lui : "Aujourd’hui, je suis déboutonné." Beethoven écrivait : "Aimer la liberté par-dessus tout".
"Je ne peux pas marche sans mon étendard"
Un des amis de Beethoven raconte qu’il avait beaucoup d’humour. Que ses discours et ses gestes étaient une suite d’excentricités et qu’il était très drôle. Beethoven, quand il était jeune homme, rayonnait aussi, d’insouciance, d’une bonté d’enfant, d’une confiance spontanée en tous ceux qui l’approchaient. Parfois, à cause de pensées qu’il gardait secrètes, il éclatait soudain de rire… Les autres s’étonnaient, mais il ne donnait aucune explication. Et on ne le rencontrait jamais dans la rue sans son petit album de musique où il notait ses idées au vol. Quand on y faisait allusion, il parodiait les paroles de Jeanne d’Arc dans la Pucelle d’Orléans de Schiller : "Je ne peux marcher sans mon étendard."
Saisir le Destin à la gueule
Beethoven doit affronter de graves soucis de santé. Et notamment, une perte de l’audition, qui se fait sentir très progressivement. Il est possible que ces difficultés aient commencé à partir de la maladie grave qu’il traverse en 1796, à l’âge de 26 ans. Il parle d’un terrible typhus qui serait la cause de ses maux. Beethoven avait une santé fragile. Il était aussi débordant de vitalité, bouillonnant de créativité. Un de ses amis raconte : "Quand il était resté longtemps assis à composer à sa table, et qu’il se sentait la tête échauffée, il avait toujours eu l’habitude de courir à sa toilette et de jeter des brocs d’eau sur sa tête en feu : après s’être ainsi rafraîchi et ne s’être séché que rapidement, il se remettait au travail, ou faisait une promenade au grand air. Ce qui prouve en quelle hâte il agissait, pour ne pas être distrait des élans de son imagination, au point qu’il négligeait de sécher convenablement ses cheveux, comme une forêt absolument trempée, c’est que souvent, l’eau, dont il avait inondé sa tête, dégoulinait sur le plancher en telle quantité qu’elle y pénétrait et transperçait le plafond des locataires du dessous. Ce qui attirait des observations désagréables de ceux-ci, du concierge, et finalement du propriétaire qui lui donnait congé."
Beethoven vit pour son art. Et malgré les épreuves qu’il doit affronter, il veut "saisir le Destin à la gueule". C’est dans sa musique qu’il nous dira ce qu’il a à nous dire, et que, selon ses termes, il ouvrira un nouveau chemin. C’est la musique qui va le sauver, la sienne, ou celle des compositeurs qu’il admire.
"Je ne joue pas pour des cochons pareils"
On dit qu’écouter Beethoven jouer au piano était une expérience inoubliable. Mais quand il avait décidé de ne pas se mettre au clavier, il fallait beaucoup insister. Avant de commencer, il frappait les touches de la paume de la main, parcourait le clavier avec un doigt et s’amusait beaucoup à se faire un peu prier. Dans ces circonstances, il riait de tout son cœur. Puis, il commençait enfin à jouer, et c’était une chose inouïe de l’entendre. Mais Beethoven ne supportait pas bien qu’on ne soit pas à l’écoute… Un jour alors qu’il jouait avec un ami, un jeune homme qui se tenait à la porte de la pièce voisine, parlait fort et très librement avec une femme. Beethoven a tenté d’obtenir le silence plusieurs fois. Mais sans succès. A un moment, n’y tenant plus, il s’est interrompu au milieu du morceau, il s’est levé et il a dit d’une voix forte :" Je ne joue pas pour des cochons pareils ".