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Wet Leg : Des fourmis dans les jambes

Venues de l'île de Wight, Rhian Teasdale et Hester Chambers sont le cœur et l'âme de Wet Leg.

© Hollie Fernando

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Par Nicolas Alsteen

Révélation 2021, sensation 2022, Wet Leg bouscule la ligne du temps avec ses guitares sautillantes. Entre clins d'œil au passé et futur exaltant, la musique du duo anglais est le remède ultime à la morosité, mais aussi le meilleur moyen d'empocher des points de vie. Depuis "Chaise Longue" jusqu'au récent "Too Late Now", tout porte à croire au buzz généré par Rhian Teasdale et Hester Chambers, deux filles débarquées de l'île de Wight pour une petite interview avec JAM.

Le nouvel an n'est pas loin. L'excitation est à son comble. Même si la période et les normes se prêtent mal aux farandoles, big bisous et bamboches sous la couronne de gui, le compte à rebours suit son cours : l'album promis par Wet Leg se rapproche. À l'écoute des premiers signaux envoyés par le duo anglais, c'est déjà le pogo dans les têtes du monde entier. Quelque part entre maintenant (Billy Nomates, Dry Cleaning, Sleaford Mods) et avant (The B-52's, ESG, Delta 5), les sons propagés depuis l'île de Wight promettent des lendemains qui chantent. "C'est amusant toutes ces références. Parce que nous avons grandi en écoutant les disques des Kings of Leon, des Black Keys ou des Strokes", confie Hester Chambers, moitié de Wet Leg. "Plus récemment, nous avons découvert The Garden et The Chats, un trio punk australien, super bien", poursuit sa complice Rhian Teasdale. Le duo se connaît depuis les années collège. Pas toujours à deux, elles ont étudié la musique et participé à diverses formations acoustiques. "De mon côté, j'avais aussi un projet solo", indique Teasdale. "Je jouais des trucs calmes et souvent très tristes au piano. Je sentais que j'avais besoin d'autre chose. J'avais envie de travailler en équipe, de m'amuser. Mais je ne voyais pas trop comment m'y prendre..."

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De la suite dans les IDLES

Pour les deux copines, la fin de l'été 2018 marque le début d'une nouvelle aventure. À quelques kilomètres de leur île de Wight, Hester Chambers et Rhian Teasdale s'en vont bivouaquer dans la campagne anglaise, aux confins des comtés du Wiltshire et du Dorset, entre champs verdoyants et moutons bêlants. Au-delà de l’escapade bucolique, le rendez-vous est surtout l'emplacement du festival End of the Road. Toujours au taquet lorsqu'il s'agit de célébrer la musique alternative et les nouvelles tendances, l'événement déballe son affiche de rêve au beau milieu des bois. C'est là, un dimanche en fin d'après-midi, que les filles assistent à une performance inoubliable. "Le concert d'IDLES était complètement fou", se souvient Rhian Teasdale. "C'était super rock'n'roll, plein de folie et d'énergie. Les gens se rentraient dedans, partout, dans tous les sens." La prestation du groupe de Bristol laisse des traces indélébiles dans les mémoires. "Après avoir vécu ce moment, nous avons décidé de former Wet Leg. L'idée est partie comme une blague. On se marrait en s'imaginant accéder gratuitement à des festivals d'été grâce à notre nouveau groupe et nos chansons un peu fun et décalées." Sur ce, il convient de détricoter la rumeur qui voudrait que Wet Leg ait surgi au sommet d'une grande roue. Puisque tout a commencé dans les prés.

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What?

À la mi-juin 2021, Wet Leg profite du déconfinement pour mettre le nez dehors. L'occasion de respirer un bon coup et de faire souffler leur vent de fraîcheur grâce à l'avant-coureur "Chaise Longue", un hymne post-punk fulgurant. Source de plaisir instantané, le morceau démarre au quart de tour pour diffuser son riff contagieux et distiller ses paroles loufoques. Afin de capter l'ampleur du raz-de-marée amorcé par ce titre inespéré, un petit détour par le Pays de Galles s'impose. Programmée à la fin août dans une minuscule tente du Green Man Festival, les filles sont les premières étonnées par la réaction du public qui, en chœur, scande le fameux "What?" qui donne le coup d'envoi de ce hit indé, aussi percutant que le "Take Me Out" de Franz Ferdinand ou les débuts d'Arctic Monkeys. Soit deux pensionnaires historiques du label Domino qui, vigilant, a également signé Wet Leg. "Nous n'avions aucune attente particulière avant de sortir ce single", assure Hester Chambers. "Aujourd'hui encore, nous sommes impressionnées par l'enthousiasme qu’il suscite. Les compliments pleuvent aux quatre coins du monde... Cela dépasse un peu l'entendement. À l'origine, il s'agissait surtout de prendre un premier contact avec le public. Là, sans album à présenter, nous sommes déjà en train de discuter avec un média belge. Vu d’ici, ça paraît toujours impensable."

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Jambe humide, tête froide

Visiblement touchées par les millions de vues engrangées sur YouTube et les milliers d'écoutes (en boucle) enregistrées sur les plateformes de streaming, les deux musiciennes de Wet Leg gardent pourtant la tête froide. "Nous sommes heureuses de ce qui nous arrive, bien sûr. Mais nous évitons de tirer des plans sur la comète. Nous prenons les choses comme elles viennent, le plus simplement possible. Ces jours-ci, les gens nous adressent de nombreux messages d'encouragement. Le public prend visiblement du plaisir à l'écoute de "Chaise Longue". On s'en tient à ça."

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Lockdown party

En attendant un premier album prévu pour le printemps, Wet Leg peaufine actuellement son jeu de scène aux États-Unis. Jouée à guichets fermés sur base de quatre chansons - seulement -, la tournée américaine témoigne d'un réel engouement populaire pour la musique du duo. Les quelques dates annoncées en Angleterre début 2022 affichent également complet. La Belgique, pour sa part, devra patienter jusqu'à la mi-mai pour apercevoir la sensation de l'année à l'affiche des Nuits Botanique. "Notre situation est un peu particulière", constate Rhian Teasdale. "L'existence du projet s'est longtemps résumée à une longue période de lockdown, passée à composer chacune dans notre coin... Quand les règles sanitaires se sont assouplies, nous avons donné quatre petits concerts, trouvé un manager et signé sur le label Domino. Tout est allé très vite. L'été dernier, nous avons joué quelques dates dans des festivals incroyables. C'était flippant. À chaque fois que je montais sur scène, je tremblais. Impossible de me maîtriser. Au fil des concerts, heureusement, cette tension s'apaise. Désormais, nous sommes à l'aise avec nos fans et en confiance avec le reste du groupe." De quoi assurer l'essentiel et cartonner à Bruxelles.

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Près de la maison, loin du mythe

L'île de Wight n'est pas seulement le repaire de Wet Leg. Dans le grand grimoire du rock, l'endroit reste gravé comme l'un des derniers rendez-vous de l'ère hippie. En 1970, le festival organisé sur l'île accueillait en effet Miles Davis, Gilberto Gil, Leonard Cohen, The Who ou Sly and the Family Stone. Sans parler de l'un des derniers concerts donnés par The Doors ou l'une des ultimes prestations de Jimi Hendrix... "Pour nous, cette manifestation n'a rien de légendaire", souligne Rhian Teasdale. "Ce festival nous évoque plutôt le début des vacances scolaires ! Ça ne vend pas spécialement du rêve, mais c'est la vérité. Quand les gens s'emballent à l'évocation de cette période dorée, nous éprouvons toujours un peu de peine. Parce que la réalité du festival est fort éloignée de la mythologie. Aujourd'hui, il s'agit surtout d'un rendez-vous pour boire des bières trop chères, en matant des matchs de foot sur écrans géants, tout ça pendant que des groupes se produisent sur scène. Il y a quand même un petit espace dédié aux artistes locaux. Ce qui est cool. Nous y sommes souvent allées pour soutenir nos potes. Cet été, c'est nous qui y avons joué pour la première fois. Ça reste quand même un bon souvenir, même si nous étions un peu stressées à l'idée de nous produire à la maison."

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Sentiment d’adéquation

Si Hester Chambers et Rhian Teasdale acceptent volontiers l’entretien avec JAM., le dialogue se fait hésitant, voire cryptique, au moment d'aborder le contenu d'un album programmé pour le 8 avril. Une manière de préserver l'effet de surprise, certainement. Mais aussi d'en garder sous la pédale lorsqu'il s'agira d'attaquer la grande ascension médiatique qui les attend. Quelques détails filtrent toutefois : "En avril dernier, nous avons enregistré tout le disque à Londres. Lors de sa réalisation, nous avons multiplié les expériences en collaborant avec différentes personnes. Dan Carey (Squid, Fontaines D.C., Black Midi - Ndlr), Jon McMullen (Michael Kiwanuka - Ndlr) et notre ami Josh Mobaraki nous ont aidé à produire les chansons. Alan Moulder (Foals, The Killers, U2 - Ndlr) a assuré le mixage. Cet album est la première étape de notre carrière. C'était donc important de s'accorder une marge de manœuvre optimale, de comprendre ce qui nous convenait le mieux." Un sentiment d'adéquation qui, selon nos estimations, devrait culminer à l'été 2022. D'ici là, il faudra patienter en dépliant "Chaise Longue". Encore et encore.

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