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Whitney Houston, le rêve américain devenu cauchemar

The sixteenth World Music Award in Las Vegas, United States on September 16, 2004.

© 2011 Gamma-Rapho / Getty Images

Ce vendredi 11 février 2022, cela fait 10 ans que Whitney Houston nous a quittés. Elle avait 48 ans. Elle a été retrouvée morte dans la salle de bain d’une chambre du Beverly Hills Hotel à Los Angeles le 11 février 2012. Elle s’est sans doute noyée dans sa baignoire après avoir pris de la cocaïne. Retour sur une icône de la culture américaine avec Sébastien Ministru.

 

Pourquoi est-elle importante dans l’histoire de la pop culture ?

 

Whitney Houston est importante parce qu’au moment où elle débarque dans l’industrie de la musique américaine – elle fait sa première télé en 1983; elle sort son premier album en 1985 – à ce moment-là - dans les charts, à la radio, en télé  – il n’y a pas de grandes voix.

Il y a des voix pop acidulée, il y a des voix auxquelles s’identifient les gamines, il y a des voix juvéniles, des voix identifiables instantanément  – Madonna, Cyndi Lauper, Kim Wilde, mais ce ne sont pas de grandes voix. Personne ne nous fera jamais croire que Madonna est une grande chanteuse – Madonna a été grande ailleurs (sur le féminisme, sur la vulgarisation de certaines idées progressistes, sur le recyclage de mouvements esthétiques, mais par dans le domaine du chant.)

À ce moment-là – au milieu des années 80, les grandes voix féminines font partie du passé et n’intéressent absolument pas les jeunes – Barbra Streisand, Liza Minelli, Karen Carpenter des Carpenters, Aretha Franklin… Whitney Houston arrive à un moment où c’est un peu le désert dans le champ des belles tessitures et – à 21 ans - elle impose tout de suite une science vocale – qu’elle a apprise dans le circuit traditionnel du gospel – puisque depuis toute petite, elle chante à l’église baptiste. Science vocale qui s’illustre particulièrement dans le répertoire des grandes ballades.

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Ces chansons mettent en avant une voix de spinto-soprano qui pouvait atteindre quatre octaves dans les aigus. Mais ce répertoire – qu’on peut qualifier d’easy listening - n’illustre qu’une partie du savoir-faire de Whitney Houston.

L’autre partie montre aussi combien la chanteuse a été importante dans la représentation des Noirs sur le devant de la scène pop-dance… 1983, 1984, 1985… les artistes noirs, excepté Michael Jackson (et encore…), sont sous-représentés sur MTV qui diffusent Prince et Rick James très tard le soir parce qu’ils sont considérés comme des artistes outranciers.

Quant aux femmes noires: il n’y en a pas… Les grands tubes de Janet Jackson arrivent après l’apparition de Whitney Houston qui est la première artiste à faire le trait d’union entre le public noir et le public blanc – ce que la communauté noire finira par lui reprocher d’ailleurs.

À sa manière, et sans absolument aucun statement politique (elle n’est pas du tout engagée), Whitney Houston est quand même politique et elle prépare le terrain à l’empowerment incarné par Beyoncé. Et évidemment, sur cette pop synthétique – parfaitement maîtrisée sur le plan vocal, on connaît tous ces tubes des années 80.

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Whitney Houston et la dance music

Tout le monde sait que sa mère était Cissy Houston, chanteuse et choriste soul très réputée. Elle a fait partie des Sweet Inspirations – qui ont été les choristes d’Elvis Presley.

Et puis, on le sait aussi – Dionne Warwick – la grande Dionne Warwick, qui est une leçon d’élégance vivante – est la cousine de Whitney Houston. Et Whitney était une jeune fille très comme il faut… Elle était très sage, très collet-monté, très prude (souvenez-vous de la fameuse sortie de Gainsbourg chez Drucker "I want to fuck you" où on la voit à deux doigts de s’évanouir) …

Toujours est-il qu’elle renvoyait l’image d’une fille très sage. Pas du tout rock and roll ou hip-hop…

 

Sauf que, Sébastien Ministru s'en souvient très bien. Il l'a interviewée en 1990. Eelle est arrivée à l’interview accompagnée d’une fille – cheveux courts et costume d’homme – qui veillait sur Whitney Houston. Il s'agissait de Robyn Crawford, son assistante – avec qui elle aurait eu une liaison. La relation avec Robyn dure alors que Whitney est mariée à Bobby Brown et c’est assez tumultueux.

Quand Robyn en a marre et lui demande de choisir : elle quitte Whitney qui commence sa descente aux enfers. Tout ça pour dire que – derrière la figure lisse d’une chanteuse que les parents et les adultes trouvent respectables – il y a une femme qui se cache et une face qui cachera longtemps ses manies – notamment celles liées à l’alcool et à la drogue. Personne n’aurait pu imaginer que Whitney Houston se défonçait et se mettait la tête à l’envers – dans des états qui lui ont – évidemment, coûté sa carrière et bousillé sa voix.

Whitney Houston et Clive Davis

Clive Davis est une légende dans l’histoire du rock et de la pop parce que c’est lui qui va signer Janis Joplin, Simon & Garfunkel, Bruce Springsteen – et plein d’autres … Clive Davis va fonder un label – en 1975 – Arista sur lequel il signe des artistes aux univers radicalement opposé comme Barry Manilow et Patti Smith…

Et en 1983, il suit les conseils d’un collaborateur, il va voir chanter Whitney Houston dans un club et il la signe. Voilà comment Clive Davis présente Whitney Houston pour la première fois à la télévision – dans l’émission de Merv Griffin

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Clive Davis était – pour Whitney, une figure paternelle. Pour le business man qu’il était, Whitney Houston a été sa plus grande réussite et son plus grand échec – puisque, malgré les scores vertigineux des ventes de disques, il n’a pas pu empêcher le crash.

Le climax est atteint en 1992 avec la sortie du film The Bodyguard, mélo avec Kevin Costner dans lequel elle joue le rôle d’une star harcelée par un fan et dont elle interprète la chanson phare – I Will Always Love You, reprise d’un classique de Dolly Parton et déflagration commerciale qui propulse Whitney Houston aux cieux des intouchables…

Avec 45 millions d’exemplaires vendus, "The Bodyguard" est – à ce jour – le soundtrack le plus vendu de l’histoire.

 

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La dérive et la mort de Whitney Houston, c’est une tragédie américaine…

Whitney Houston est un symbole. On nous l’a vendue comme la garantie de l’ordre établie. On nous l’a montrée comme l’exemple ultime à suivre. C’est la figure de la fille pure et emblématique d’une Amérique puritaine et moraliste…

Mais cette figure de la pureté s’autodétruit, se salit et se vautre devant le monde entier dans la mauvaise réputation… Au vue des préceptes moraux et religieux d’une nation comme les Etats-Unis, c’est une tragédie.

Whitney Houston est une tragédie américaine parce que sa vie fut un film, c’est-à-dire un mensonge… Et puis, artistiquement – les ratages successifs de Whitney font participer à cette tragédie.

Elle ne va rien comprendre du hip-hop – contrairement à Mariah Carey  (sa grande rivale sur le segment de la diva) qui va sauter dessus à talons joints… Elle ne va rien comprendre du mouvement LGBT : elle ne prendra jamais position en faveur du mouvement gay et lesbien.

 

    

2009, c'est le crépuscule

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Trois ans avant sa mort, en 2009, elle sort son dernier album avec une chanson qui la représente "Nothing But Love".

Ce n’est pas le plus beau morceau de bravoure de Whitney… Mais justement, c’est une chanson où on entend qu’elle est prête à baisser les bras… Sa voix est éraillée, abimée … Plus rien n’est lumineux.

Elle est très en dessous  - elle chante très bas et elle chante quand même "Nothing But Love" - "rien d’autre que l’amour". C’est triste à mourir… C’est ce qu’elle va faire d’ailleurs - mourir. Le 11 février 2012. Elle avait 48 ans.

 

SON WHITNEY HOUSTON – Nothing But Love    

 

 

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