Y a-t-il cinq fois plus de personnes non-vaccinées contre le coronavirus aux soins intensifs, comme l’a déclaré Alexander De Croo ?

Le Premier ministre Alexander De Croo lors d’une conférence de presse à l’issue d’une réunion du comité de concertation avec les ministres du gouvernement fédéral, des gouvernements régionaux et des gouvernements communautaires, pour discuter des nouvelle

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Par Grégoire Ryckmans

Le Premier ministre Alexander De Croo a déclaré avoir changé d'avis concernant l'obligation vaccinale. Pour expliquer son revirement, il a indiqué qu’il y avait "cinq fois plus de personnes non-vaccinées aux soins intensifs". Pourtant les chiffres de la proportion de personnes vaccinées ou non-vaccinées contre le coronavirus, actuellement aux soins intensifs, ne sont pas publiés par Sciensano. Ces derniers indiquent cependant qu'il y a pour le moment en moyenne sept fois plus de risque de finir aux soins intensifs après avoir contracté le Covid-19 lorsque le patient n'est pas totalement vacciné.

En septembre dernier, le Premiers ministre Alexander De Croo (Open VLD) s'exprimait clairement contre la vaccination obligatoire, lors d'un entretien accordé à nos confrères du Soir. Il estimait qu'elle était compliquée "dans la pratique" et qu'il souhaitait dvanatage convaincre les réticents.

Depuis, la situation épidémiologique a changé et le variant Omicron préoccupe experts et politiques en raison d'un taux de contamination qui commence à remonter en Belgique, comme dans de nombreux autres pays dans le monde


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Dans un échange avec des lecteurs de l'hebdomadaire flamand "De Zondag" publié le dimanche 26 décembre, le Premier ministre a répondu à plusieurs questions posées par des lecteurs. Parmi les questions, l'une portait sur l'opportunité de prendre la décision de rendre la vaccination obligatoire :

Quand on voit que dans les unités de soins intensifs, il y a cinq fois plus de personnes non vaccinées, on ne peut pas éviter la question

Question du lecteur : "Pourquoi n'osez-vous pas prendre la décision de rendre la vaccination obligatoire pour tous ? N'est-il pas scandaleux que des personnes qui ont besoin de soins voient leur place prise par une petite minorité d'antivaccins ?"

Réponde d'Alexander De Croo : "C'est une question compréhensible. On vaccine pour sa propre santé, mais aussi pour celle des autres. (Il réfléchit) Je crois plus à convaincre qu'à imposer, mais quand on voit que dans les unités de soins intensifs, il y a cinq fois plus de personnes non vaccinées, on ne peut pas éviter la question. L'objectif est clair : nous devons vacciner tout le monde. Si la voie de la vaccination obligatoire peut y contribuer, je suis prêt à l'envisager. Attention : un gouvernement ne peut pas décider cela tout seul. Ce débat doit avoir lieu au Parlement."

Un autre lecteur rebondit suite à la réponse du Premier ministre et lui demande : "Vous ne vouliez pas de cela au début. Qu'est-ce qui vous a fait changer d'avis ?"

Alxander De Croo : "La situation aux soins intensifs. Un groupe relativement petit a un impact trop important sur nos soins. Nous ne pouvons pas le permettre. Keynes, un économiste britannique, a dit un jour : 'Quand les faits changent, je change d'avis'. De bons arguments peuvent me convaincre. C'est d'ailleurs une leçon importante de cette crise : restez ouvert d'esprit et osez réviser vos opinions. (Il réfléchit) Nous devrions en fait repenser tout notre raisonnement. Avant, le plan était : comment éviter de nouvelles vagues ? Aujourd'hui, la question devrait être : comment faire pour que les vagues soient aussi plates que possible ? Car soyons réalistes : même l'Omicron ne sera pas la dernière vague. Le virus sera là pour les années à venir. Nous devons apprendre à vivre avec."

Le Premier ministre a donc changé d'avis et se dit "prêt", à présent, à "envisager" une obligation vaccinale contre le Covid-19 en Belgique

Cinq fois plus de personnes non-vaccinées aux soins intensifs ?

L'un des arguments qui aurait fait changer le Premier ministre de la coalition "Vivaldi" se baserait sur des observations chiffrées du nombre de personnes actuellement aux soins intensifs dont le statut vaccinal indiquerait qu'ils n'ont pas été vaccinés contre le Covid-19 : "quand on voit que dans les unités de soins intensifs, il y a cinq fois plus de personnes non vaccinées, on ne peut pas éviter la question".

Dans le dernier rapport de l'Institut scientifique de santé publique Sciensano du 31 décembre 2021, celui-ci fournit des chiffres concernant le nombre de personnes hospitalisées en raison du coronavirus lors de la semaine écoulée 

"Au cours de la période du 24 décembre 2021 au 30 décembre 2021, 942 patients avec COVID-19 confirmés en laboratoire ont été hospitalisés et 1 401 personnes ont quitté l’hôpital." Il indique également que "le 30 décembre 2021, 1812 lits d’hôpital dont 536 lits en unité de soins intensifs étaient occupés par des patients COVID-19 confirmés en laboratoire ; 318 patients nécessitaient une assistance respiratoire et 47 une ECMO. Au cours des 7 derniers jours, le nombre total de lits d’hôpital occupés a diminué de 386, dont 124 lits occupés en soins intensifs de moins".

Cependant, aucune indication chiffrée sur le statut vaccinal des personnes actuellement hospitalisées aux soins intensifs et la part qu'ils représentent dans les soins intensifs des hôpitaux belges n'est indiqué.

Des chiffres sur les risques d’admission aux soins intensifs par statut vaccinal

Dans le rapport épidémiologique hebdomadaire de Sciensano du 24 décembre, des graphiques illustrent la réduction du risque d'admission aux soins intensifs en fonction du statut vaccinal et de l'âge des patients.

Les graphiques ci-dessous présentent la moyenne journalière et l'incidence cumulée sur 14 jours pour le nombre d’admissions en USI, par statut vaccinal et par groupe d'âge, pour la période du 6 au 19 décembre 2021.

Source : Surveillance de la capacité hospitalière. Le délai entre la vaccination et l’hospitalisation n’étant pas connu dans cette surveillance, le délai de 14 jours à considérer après la vaccination n’est pas pris en compte dans ces calculs. Les personne
Source : Surveillance de la capacité hospitalière. Le délai entre la vaccination et l’hospitalisation n’étant pas connu dans cette surveillance, le délai de 14 jours à considérer après la vaccination n’est pas pris en compte dans ces calculs. Les personne © Sciensano

Le tableau ci-dessous montre la réduction du risque d'admission en USI pour COVID-19 chez les personnes entièrement vaccinées par rapport aux personnes non vaccinées, par groupe d’âge. Ce chiffre est calculé en tenant compte de l'incidence des personnes admises aux soins intensifs après avoir été testés positifs au coronavirus en fonction de leur statut vaccinal.

Ce chiffre est ensuite rapporté aux taux de vaccination chez les personnes en fonction de leur catégorie d'âge.

Risque d’admission en USI pour Covid-19 chez les personnes entièrement vaccinées par rapport aux personnes non vaccinées, par groupe d’âge (période du 6 au 19 décembre 2021).
Risque d’admission en USI pour Covid-19 chez les personnes entièrement vaccinées par rapport aux personnes non vaccinées, par groupe d’âge (période du 6 au 19 décembre 2021). © Capture d’écran Sciensano

Les chiffres publiés par Sciensano indiquent donc qu'il y a une diminution de risques d'admission aux soins intensifs chez les personnes totalement vaccinées. Ce risque est réduit de 91% pour les 12-17 ans, de 89% chez les 18-64 ans et 84% pour les plus de 65 ans.


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Plusieurs experts habitués à communiquer les chiffres officiels de l'épidémie de coronavirus nous ont indiqué cependant n'avoir aucune donnée concernant le nombre de personnes actuellement non-vaccinés contre le Covid-19 dans les services de soins intensifs en Belgique.

La RTBF a tenté de contacter Alexander De Croo afin de savoir sur quels chiffres le Premier ministre s'est basé pour déclaré qu'il y avait "cinq fois plus de personnes non vaccinées" aux soins intensifs. Nous n'avons, à l'heure de publier cet article, pas reçu de réponse.

Des indicateurs de réduction du risque, pas de chiffres officiels et un débat à venir

Des indicateurs de la réduction du risque d'admission aux soins intensifs en fonction du statut vaccinal existent mais ils ne permettent pas directement d'en déduire la proportion de ceux-ci actuellement soignés aux soins intensifs  

Les indicateurs de l'épidémie de coronavirus publiés officiellement par Sciensano ne permettent pas de corroborer l'affirmation du Premier ministre, il a cependant peut-être accès à des chiffres qui n'ont pas été publiés publiquement.


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Enfin, cette question de la vaccination obligatoire n’est pas neuve et divise le monde politique. Le débat figure d'ailleurs au menu de la rentrée du parlement fédéral. Le commissaire corona a demandé des rapports au Comité bioéthique, au Conseil supérieur de la Santé et à la commission fédérale des patients pour nourrir ses conclusions. Dès que ces rapports seront disponibles, la Chambre pourra organiser son débat avec l'appui d'experts.

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