Ma génération, nous n’étions pas à nous manifester, à crier, à revendiquer les mots, nous étions peut-être plus du côté des livres que de la scène. Il y a une poésie qui est faite pour être lue en silence (le silence est très important) et une poésie qui est faite pour être criée. Toutefois, ce n’est pas un phénomène nouveau, il existe depuis 1930 avec les troubadours.
De son côté, Yves Namur est nourri de quatre piliers : Edmond Jabès, Paul Celan, le poète argentin Roberto Juarroz et Rainer Maria Rilke. C’est "sur leurs ruines" qu’il écrit. Il les découvre au contact des Miguel, un couple de poètes dont la femme, Cécile, était aussi peintre. Yves, âgé de 18 ans, fréquente assidûment leur maison ainsi que d’autres camarades qu’il cite : Jean-Pierre Verheggen, Christian Hubin ou Jacques Crickillon. Mais cet "appel d’air vers la poésie" remonte à plus loin, à un instituteur que le petit Yves avait en primaire, vers l’âge de 8 ans. "C’est mon instituteur qui m’a fait découvrir la poésie. Ils nous choisissaient des correspondants, le mien était Claude Seignolle, l’auteur fantastique avait qui j’entretenais une relation épistolière."
Pour Yves Namur, il ne peut pas y avoir de définition de la poésie qui est, par essence, le temple des possibles. Il cite Yves Bonnefoy : "La poésie est loin de ses demeures possibles." Et de développer :
La capacité de la poésie, c’est l’ouverture des mondes, c’est le trésor d’un fragment. La poésie, c’est quelque chose de très court. Un roman lui, même s’il peut comporter une énigme, a une histoire, un début et un dénouement voulu par l’auteur, en poésie cependant on n’impose rien.
Yves Namur revendique le droit au doute, à l’ignorance, ainsi que le droit au doute du médecin. "On dit souvent que quand vous allez consulter le médecin, au bout d’une minute il a la réponse, mais le médecin ne peut pas poser un diagnostic d’emblée, il commence par émettre des hypothèses avant de se positionner". Dans sa pratique, la poésie a d’ailleurs pu jouer un rôle, Yves Namur est d’ailleurs convaincu que la poésie peut soigner. Il prend pour exemple un cas qui s’est présenté à lui il y a une vingtaine d’années, celui d’un jeune patient toxicomane.
Je ne savais pas comment l’aborder. Il est tellement complexe d’aborder cette question avec une personne qui est dans le feu, dans l’enfer, j’y suis arrivé par la poésie. Je lui ai donné des livres de poésie en lui disant d’y jeter un coup d’œil, qu’il se construisait des mondes artificiels avec l’héroïne, et que je lui proposais moi un monde artificiel couché sur le papier. Cela l’a aidé, il a exprimé son envie de travailler, d’écrire, c’est peut-être là un tout petit miracle de la poésie…
La poésie, comme une main tendue…