Guerre en Ukraine

Zelensky demande un "bouclier aérien" au G7 : est-ce vraiment possible de protéger l’Ukraine des missiles russes ?

Les forces ukrainiennes tirent des roquettes GRAD vers les positions russes dans le Donbas.

© 2022 Anadolu Agency

Ce lundi, 84 missiles russes se sont abattus sur Kiev, qui n’avait plus été la cible de frappes depuis le 26 juin, ainsi que dans le reste du pays. Les villes de Lviv, à l’ouest du pays et près de la frontière polonaise, Kharkiv à l’est et Dnipro au sud ont également été touchées. Un bombardement d’une ampleur rarement inégalée. Mardi, les frappes se sont poursuivies d’une ampleur moins importante. Les villes de Zaporijia au sud et de Lviv ont notamment été touchées. Le bilan de ces bombardements massifs s’élève à 19 morts et 105 blessés.

Cette pluie de missiles visait les infrastructures énergétiques de plusieurs villes sur tout le territoire ukrainien. Loin donc de la ligne de front. L’Otan, que l’Ukraine ambitionne d’intégrer, a condamné des "attaques horribles et aveugles" contre des infrastructures civiles et promit son soutien à Kiev "aussi longtemps qu’il le faudra", selon son secrétaire général Jens Stoltenberg.

Vladimir Poutine parle de bombardements sur des "infrastructures énergétiques, militaires et de communication". Il a justifié ces bombardements massifs par l’attaque du pont de Crimée deux jours plus tôt, que les Russes imputent aux Ukrainiens.

Le G7 "demandera des comptes" à Vladimir Poutine

Les pays alliés du G7 se sont réunis en urgence virtuellement après cette campagne de bombardements russes, avec Volodymyr Zelensky. Les chefs d’Etat et de gouvernement du G7 ont "déploré la stratégie russe d’escalade délibérée, y compris la mobilisation partielle des réservistes et la rhétorique nucléaire irresponsable, qui mettent en péril la paix et la sécurité mondiales". Et ils ont mis en garde Moscou, en réaffirmant que "toute utilisation d’armes chimiques, biologiques ou nucléaires par la Russie aurait de graves conséquences". La menace de nouvelles sanctions a aussi été brandie : "Nous continuerons d’imposer des coûts économiques supplémentaires à la Russie et aux individus" qui soutiennent son attaque contre l’Ukraine.

Lundi, le Président ukrainien indiquait que "sur les 84 missiles russes tirés contre l’Ukraine, 43 ont été abattus. Sur les 24 drones russes, 13 ont été abattus". La moitié des missiles russes ont bien frappé le territoire ukrainien. Volodymyr Zelensky a demandé aux alliés du G7 un "bouclier aérien" au-dessus de l’Ukraine, prévenant que Vladimir Poutine avait "encore les moyens d’une escalade".

Est-ce possible de protéger l’Ukraine des missiles russes ?

La défense aérienne de l’Ukraine est la priorité numéro une du moment, selon le Président ukrainien, pour se protéger des raids aériens en provenance de Russie. L’Ukraine vient d’ailleurs de recevoir son premier système de défense antiaérienne Iris-T livré par l’Allemagne. Les États-Unis ont promis de livrer des systèmes de missiles sol-air NASAMS (Norwegian Advanced Surface to Air Missile System). "Les NASAMS sont des missiles de fabrication norvégienne. Les États-Unis vont en faire l’acquisition pour ensuite intégrer leur propre vecteur, un missile de fabrication américaine, dans le dispositif norvégien pour le livrer aux Ukrainiens", explique Alain De Neve, chercheur à l’Institut Royal de Défense.

Il semble que la Russie possède encore une quantité de missiles de précision

De quoi former ce qu’on appelle un bouclier aérien au-dessus de l’Ukraine. Un "dôme de fer" similaire à celui qui protège par exemple Israël. "Ici, on parle de missiles de moyenne portée, de 180 kilomètres d’allonge. C’est un système qui est constitué d’un poste de tir qui lance le missile ainsi qu’un système de commandement et d’un radar. Ces 3 éléments opèrent ensemble pour repérer un missile entrant, le suivre et le traquer. C’est-à-dire le poursuivre et ensuite, l’atteindre, le frapper. C’est ce qu’on appelle du Hit To Kill", détaille Alain De Neve.

"Plusieurs missiles peuvent être lancés en même temps. Tout dépend du nombre de missiles entrants. Ce sont des armements de défense de haute précision, on est dans un niveau de technologie assez avancé", précise le chercheur. Même si bien sûr, il peut y avoir des erreurs de calcul ou des missiles entrants disposant d’une capacité d’hypervélocité ou d’hypermanoeuvre, "c’est-à-dire qu’au dernier moment, le missile peut changer de direction. Mais le taux d’efficacité reste assez élevé".

Pour Alain De Neve, un bouclier aérien est plus que nécessaire pour protéger le territoire ukrainien : "On pensait que la Russie avait quelques difficultés de stock au niveau de ces missiles de précision. Apparemment, il semble qu’elle en possède encore une quantité importante. Mais on a une mauvaise connaissance des stocks de missiles de précision qui existent. Certains de ces missiles ont été utilisés en Syrie et la Russie est aussi confrontée au manque de semi-conducteurs, dans le cadre des sanctions de 2014 et depuis le début de leurs opérations militaires en Ukraine. Cela empêche littéralement la Russie de disposer des semi-conducteurs dont elle a besoin, détaille le chercheur de l’IRSD, qui comme d’autres experts, a été étonné de la riposte russe : "Nous avons été surpris du nombre de missiles qui ont été tirés. Mais à un moment, les semi-conducteurs vont poser problème. Des soldats ukrainiens ont retrouvé des semi-conducteurs de machine à laver dans des équipements russes", indique l’expert.

Ces systèmes de défense aérienne ne peuvent pas être tous déployés en Ukraine en même temps en raison de leur coût, assez élevé, à plusieurs millions d’euros. Deux premiers systèmes seront livrés et suivront ensuite de nouvelles commandes passées par Kiev.

Un bouclier aérien plus efficace ?

Actuellement, il est difficile d’avoir une idée précise du stock de système de défense aérien ukrainien. "Tout va dépendre de l’aide qui sera fournie en terme matériel par les pays qui soutiennent l’Ukraine, du nombre de missiles mais aussi de la stratégie choisie par Vladimir Poutine". Une stratégie qui pourrait dépendre elle-même du nouveau commandant en chef russe des opérations, Sergueï Sourovikine, impliqué dans les opérations russes en Syrie.

L’annonce de l’arrivée des systèmes anti-aérien pourrait conduire à une élévation du risque des frappes russes, pour prendre l’Ukraine de vitesse.

Mais avec de tels systèmes supplémentaires, l’Ukraine pourrait-elle intercepter plus de missiles en cas de nouvelles vagues de bombardements ? Oui, répond Alain De Neve, mais il faut nuancer : "Il n’y a pas de garantie totale. On pourrait imaginer une stratégie du côté russe qui consiste à utiliser des tirs de saturation. La Russie va forcément anticiper l’arrivée de ces systèmes de défense antimissiles. Il est possible qu’elle renforce sa stratégie de frappes de missiles avant l’arrivée de ces systèmes. L’annonce même de leur arrivée pourrait conduire à une élévation du risque des frappes russes, pour prendre l’Ukraine de vitesse".

Lorsque l’on évoque un bouclier aérien, on pense à celui qui protège Israël. Ces équipements en Ukraine seront globalement similaires, avec tout de même quelques différences. "La logique est la même mais la portée est différente. Il y a plusieurs types de système de défense antimissiles. Il y a les systèmes de longue, moyenne ou courte portée, ces derniers étant portables. Mais il est plus intéressant de raisonner en termes de couche. Il y a les couches hautes, donc des missiles interceptant de longues portées et hors atmosphère et les couches basses. Le dôme de fer est plus dans la catégorie des couches hautes par exemple. Ici, les systèmes envoyés font partie de la catégorie de moyenne couche, qui convient parfaitement à une gestion plus régionale, comme en Ukraine. Mais la logique de base est la même. On peut aussi avoir une superposition des couches".

Choisir les villes à protéger : "Des choix devront être faits"

Avec ses plus de 600.000 km2, l’Ukraine reste un gigantesque territoire, bien que la Russie en ait annexé une partie suite à des référendums à valeur contestéeLes dirigeants de l’Union européenne ont d’ailleurs rejeté et condamné cette annexion. Impossible donc, de déployer un système de défense antiaérien sur tout le pays : "Des choix devront être faits", confie d’emblée Alain De Neve. "Compte tenu de la stratégie russe, il faut défendre les villes avant tout. Mais il y a très certainement des systèmes qui sont déployés pour défendre certains groupes de force, des bataillons ou des infrastructures stratégiques telles que les centrales nucléaires. Mais des choix devront être faits. Des systèmes de moyenne portée, même combinés, ne peuvent pas offrir une couverture à 100%".

L’Ukraine devrait pouvoir repousser plus facilement les frappes aériennes russes avec l’aide du G7. "Cela permettra à l’Ukraine de résister davantage à la pression russe au travers des frappes qu’elle réalisera. Mais cela ne suffira pas à renverser complètement le déséquilibre des forces".

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